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Alzheimer: Québec ouvert à l'idée de débattre

Caring Nurse Holding Hands Photo: Métro
Jocelyne Richer, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

QUÉBEC — Le moment est venu de faire un débat public sur la possibilité d’offrir l’aide à mourir aux patients souffrant de la maladie d’Alzheimer, selon les parlementaires québécois.

Un consensus en ce sens est en train de se dessiner parmi les élus de l’Assemblée nationale, tous partis confondus.

L’enjeu: envisager de légaliser l’aide médicale à mourir apportée aux personnes incapables de donner un consentement éclairé.

Sans prendre d’engagement précis, le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, a ouvert la porte jeudi à la tenue d’un tel débat public réclamé par tous les partis d’opposition.

«C’est très clair que je ne suis pas fermé» à cette idée, a commenté le ministre Barrette, lors d’une mêlée de presse.

La loi québécoise sur les soins de fin de vie (Loi 52), adoptée en 2014, stipule que pour être jugée admissible la personne doit être atteinte d’une maladie incurable, être considérée à l’agonie, être parfaitement lucide et apte à donner elle-même son consentement à obtenir une aide médicale visant à abréger ses jours.

Sont donc exclues d’emblée toutes les personnes, de plus en plus nombreuses, souffrant de différentes formes de démence, dont la maladie d’Alzheimer.

La loi 52 était «le plus petit commun dénominateur sociétal», convient le ministre, conscient qu’elle laisse en plan un grand nombre de malades.

«Ce débat-là, non seulement n’est pas terminé, et c’est normal qu’il y ait lieu d’en parler», a-t-il ajouté.

L’idée qui circule parmi les élus serait d’examiner la possibilité d’élargir l’application de la loi aux personnes ayant donné un consentement préalable, au moment où elles pouvaient le faire, par voie de mandat en cas d’inaptitude.

Pour éviter toute dérive, il faudra toujours s’assurer que la demande initiale provienne de la personne elle-même et non des proches, a prévenu la députée péquiste Véronique Hivon, en point de presse. C’est elle qui était à l’origine de la loi sur les soins de fin de vie, qui n’avait pas été adoptée à l’unanimité, malgré son champ d’action limité et après des années de consultations et de débats.

Mme Hivon réclame la tenue d’une commission parlementaire pour analyser la question, qu’elle a qualifiée d’extrêmement complexe, tant sur le plan médical que sur le plan éthique.

«Je pense qu’il faut donner un cadre solide, respectueux, formel» à ce débat, a-t-elle fait valoir.

«La question, c’est de se demander comment on peut aborder ce débat-là, a-t-elle ajouté. La réponse, elle n’est pas toute écrite. Et moi, je ne peux pas vous dire aujourd’hui quelle est la bonne réponse à cette question-là, mais je pense que la bonne réponse, dans une démocratie, c’est de se permettre de faire le débat.»

Ce volet de la question avait été exclu de la loi parce qu’il ne faisait pas consensus à l’époque, a-t-elle expliqué, tout en se demandant pourquoi une personne inapte n’aurait pas les mêmes droits qu’une personne apte.

Dans un témoignage très personnel, le député caquiste François Bonnardel, dont la mère souffre de la maladie d’Alzheimer à un stade avancé, a réclamé lui aussi que le débat se fasse entre parlementaires sur cette question délicate.

Très ému, il a dit en point de presse que lui-même, dans les circonstances, serait disposé à réclamer l’aide des médecins pour mettre fin à la vie de sa mère, si la loi le lui permettait et si elle avait exprimé ce désir quand elle en était capable.

«Je n’étais pas prêt voilà trois ans, mais aujourd’hui je suis prêt. Je prie pour que le Bon Dieu vienne la chercher. Il lui reste sûrement encore d’autres choses à faire sur cette terre malgré qu’elle soit prisonnière de son corps, mais, oui, aujourd’hui, je serais prêt», a-t-il dit. Il a dû précipitamment quitter la salle de conférence de presse, les larmes aux yeux.

Lui-même médecin, le député solidaire Amir Khadir appuie sans réserves l’idée de rouvrir le débat. «Comment on s’organise pour que des personnes qui sont dans une situation de maladie mentale ou de démence, qui ne sont pas capables de consentir, puissent quand même bénéficier des meilleurs soins? Puis, les meilleurs soins, ça veut dire: quand la souffrance est trop grande, irrémédiable, qu’on est arrivé à un point de non-retour, s’il y a des personnes qui ont besoin qu’on les aide, il faut les aider», a-t-il dit.

Il n’existe que deux pays dans le monde où on autorise le soutien médical en pareil cas: les Pays-Bas et la Belgique.

Le débat à ce sujet a été relancé cette semaine, quand on a appris qu’un homme de Montréal, Michel Cadotte, a été accusé du meurtre au second degré de sa conjointe atteinte de la maladie d’Alzheimer depuis des années. Il soutient avoir agi à la demande de celle-ci.

En 2013, le Collège des médecins avait suggéré de déléguer la décision d’accorder l’aide médicale à mourir à l’équipe formée des mandataires, des proches, des parents et du médecin traitant, dans le cas de malades atteints d’Alzheimer.

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