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Le marché noir de la marijuana est bien organisé

BERLIN, GERMANY - AUGUST 09: A participant smokes a marijuana joint while marching in the annual Hemp Parade (Hanfparade) on August 9, 2014 in Berlin, Germany. Supporters of cannabis legalization are hoping legalized sale in parts of the USA will increase the likelihood of legalization in Germany. The city of Berlin is considering allowing the sale of cannabis in one city district. (Photo by Sean Gallup/Getty Images) Photo: Getty Images

TORONTO — Le marché noir de la marijuana récréative est bien organisé au Canada: on peut communiquer avec notre revendeur par textos, se rendre en personne s’en procurer dans une boutique ou tout simplement la commander en ligne.

Même avec la légalisation attendue du produit l’an prochain, il serait étonnant de voir ce marché soudainement s’envoler en fumée.

«Un système gigantesque et très complexe est déjà bien implanté, et depuis 40 ans il fournit de la marchandise de qualité à un coût raisonnable, explique Donald MacPherson, le directeur général de la Coalition canadienne des politiques sur les drogues, une organisation installée à l’université Simon Fraser qui milite en faveur de règles et de stratégies inspirées par les faits.

«Il faudra maintenant voir à quel point le système réglementé pourra, au fil des ans, gruger autant que possible ce marché préexistant — c’est vraiment la question fondamentale», dit-il.

Des conversations avec des consommateurs de marijuana permettent de détecter trois canaux d’approvisionnement, en commençant par le plus traditionnel: on connaît un type qui connaît un type qui nous fournit notre mari. C’est familier, on a confiance, on se sent en sécurité.

Plus récemment, des boutiques ont commencé à offrir une expérience de vente au détail presque normale, même si certaines offrent uniquement un service de livraison. Le changement le plus marqué semble toutefois être un phénomène très canadien: une multiplication des sites internet qui envoie la mari par la poste.

Ces sites offrent dorénavant une multitude de produits dérivés du cannabis et leurs prix. On y retrouve aussi, dans certains cas, les témoignages de consommateurs, des concours, des spéciaux et même des offres de cadeaux. La plupart demandent de téléverser un document d’identification en guise de preuve d’âge — on exige habituellement 18 ou 19 ans — et le paiement se fait par Interac. Le produit emballé sous vide est ensuite envoyé à l’acheteur par Postes Canada ou par messager.

Statistique Canada rapporte qu’environ 12 pour cent des Canadiens âgés de 15 ans et plus — soit environ 3,6 millions de personnes — déclaraient en 2015 avoir consommé du cannabis au cours de l’année précédente. Environ 840 000 personnes ont révélé en consommer tous les jours.

Le sort du marché noir dépendra de la tournure que prendra le marché légal, croit les experts — ce qui est loin d’être évident. Chaque province semble faire cavalier seul; certaines veulent encadrer le plus possible les établissements de vente au détail et d’autres envisagent des sanctions criminelles pour avoir vendu le produit à des mineurs ou à proximité des écoles. Certains prédisent que des règles trop strictes ne feront que pousser les consommateurs vers le marché noir.

Le principal obstacle des gouvernements fédéral et provinciaux, dit M. MacPherson, est la maturité du système actuel: sa taille, son expertise et sa diversité.

À travers le pays, des centaines, voire des milliers de petits producteurs et des entreprises plus importantes alimentent des consommateurs apparemment insatiables, notamment de jeunes Canadiens qui comptent parmi les principaux utilisateurs de la planète, selon différentes études.

Les forces de l’ordre canadiennes se sont publiquement inquiétées de leur capacité à faire respecter les nouvelles règles d’ici l’été prochain. Elles ont prévenu un comité de la Chambre des communes qu’elles ont besoin de plus de temps pour former les policiers, entre autres en ce qui concerne les tests des automobilistes aux facultés apparemment affaiblies.

L’intervention des policiers ne fera pas disparaître le marché noir, croit M. MacPherson, mais la légalisation permettra aux gouvernements de déployer leurs ressources policières ailleurs. Des campagnes de santé publique pourront aussi être mises en place une fois que le cannabis sera aussi accessible que la bière ou le vin.

Mais plus que tout, dit-il, si on veut convaincre les consommateurs de délaisser les fournisseurs qu’ils utilisent déjà, l’accès à la marijuana légale devra se faire sans encombre.

«Le gouvernement s’attaque à quelque chose de très intéressant et de très complexe, conclut M. MacPherson. Il essaie de mettre hors-jeu un marché préexistant très robuste en inventant un marché encore meilleur et plus robuste.»

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