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Le Canada dénonce les États-Unis devant l'OMC

Sean Kilpatrick / La Presse Canadienne Photo: Sean Kilpatrick
Alexander Panetta, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

WASHINGTON — Le Canada a déposé une plainte formelle à l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) pour dénoncer de façon générale les pratiques commerciales des États-Unis.

Un geste aussitôt qualifié d’«attaque fâcheuse», mercredi, par le représentant américain au Commerce, Robert Lighthizer.

Ottawa s’est adressé à l’OMC le mois dernier, mais l’existence de la plainte n’a été dévoilée que mercredi — au lendemain de la décision de Washington d’imposer des droits compensateurs préliminaires, qui peuvent atteindre près de dix pour cent, sur les importations canadiennes de certaines catégories de papiers, notamment le papier journal.

Les États-Unis avaient récemment imposé de telles mesures punitives dans les dossiers du bois d’oeuvre canadien et des avions de Bombardier. Or, le Canada affirme que l’imposition par les États-Unis de droits antidumping et compensateurs viole les règles internationales du commerce pour cinq raisons.

Ottawa prétend que les pénalités imposées par Washington excèdent ce qui est permis par l’OMC, que les taux des droits compensateurs sont mal calculés, et que les Américains imposent injustement des pénalités rétroactives. Le Canada reproche aussi au système américain de limiter les preuves qui peuvent être présentées par des tiers, et de favoriser un système de vote qui désavantage les étrangers au département américain du Commerce.

«Les prétentions du Canada sont non fondées et ne peuvent qu’ébranler la confiance des États-Unis quant à la volonté réelle des Canadiens de conclure une entente commerciale qui sera avantageuse pour tous», a commenté Robert Lighthizer, qui dirige les négociations ardues pour le renouvellement de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA).

Dans un communiqué, M. Lighthizer soutient aussi que les Canadiens seraient perdants même en cas de victoire à l’OMC, car des producteurs à faibles coûts — les Chinois, notamment — pourraient alors submerger le marché américain, au détriment des Canadiens.

«Les importations massives en provenance de Chine et d’autres pays auraient des impacts négatifs, de plusieurs milliards de dollars, sur les exportations canadiennes aux États-Unis, dont près de 9 milliards $ en exportations de produits d’acier et d’aluminium, et plus de 2,5 milliards $ en bois d’oeuvre et en papier», soutient le représentant américain au Commerce.

Tous azimuts

La plainte écrite à l’OMC, qui fait une trentaine de pages, cite des dizaines d’exemples qui ne sont pas directement liés au Canada, dont 122 cas où Washington a imposé des droits compensateurs à des pays étrangers.

Les litiges sur le bois d’oeuvre et le papier canadien, ainsi que sur les avions de Bombardier, surviennent au moment où les négociateurs des trois pays signataires de l’ALÉNA s’apprêtent à se retrouver à Montréal, le 23 janvier, pour une sixième ronde de discussions qui pourrait bien être déterminante. Aucune nouvelle rencontre n’est pour l’instant prévue après le mois de mars.

Or, les négociateurs canadiens sont parfaitement conscients que le président américain, Donald Trump, pourrait dès cet hiver invoquer la clause de retrait de l’ALÉNA. Les États-Unis pourraient alors se retirer de l’accord commercial après six mois — à moins que des tribunaux américains ne concluent que le président doit obtenir d’abord l’appui du Congrès.

Edward Alden, du Conseil des relations extérieures, aux États-Unis, estime que l’ALÉNA et tout le système commercial mondial, déjà critiqués et menacés par Donald Trump, n’avaient pas besoin de cette «bombe» larguée par le Canada à l’OMC.

«Ça ne calmera certainement pas le jeu à Montréal», estime aussi l’avocat Mark Warner, spécialiste du commerce canado-américain. M. Warner convient que les arguments du Canada peuvent bien être fondés, et qu’Ottawa a tout à fait le droit de se plaindre à l’OMC, mais il s’interroge sur l’opportunité de contrarier l’administration Trump au beau milieu de négociations cruciales pour renouveler l’ALÉNA.

M. Warner s’étonne ainsi de voir le Canada citer dans sa plainte des dossiers étrangers, alors qu’il négocie présentement avec une administration déjà hostile à des instances internationales comme l’OMC, précisément.

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