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Boushie: la ministre de la Justice se défend

Justin Tang / La Presse Canadienne Photo: Justin Tang
Geordon Omand, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

OTTAWA — Jody Wilson-Raybould a maintenu mardi qu’une ministre fédérale de la Justice se doit de demeurer attentive aux critiques de la population canadienne face à une présumée injustice du système.

La ministre était appelée mardi à défendre ses commentaires lancés sur Twitter à la suite de l’acquittement d’un fermier de la Saskatchewan.

Gerald Stanley, âgé de 56 ans, était accusé du meurtre non prémédité de Colten Boushie, un Cri de 22 ans abattu d’une balle derrière la tête en 2016. La défense a plaidé au procès que le coup de feu était parti accidentellement; le jury, composé d’allochtones, a acquitté l’accusé après 13 heures de délibérations, vendredi.

Mme Wilson-Raybould a écrit le lendemain sur Twitter que «le Canada pouvait faire mieux»; des députés de l’opposition et des juristes ont estimé depuis que le pouvoir exécutif empiétait ici un peu trop dans la zone d’indépendance du pouvoir judiciaire.

La ministre de la Justice a soutenu au contraire, mardi, qu’il serait «extrêmement préoccupant» qu’une Procureure générale n’entende pas les récriminations de Canadiens qui dénoncent ce qu’ils croient être une injustice. Elle a estimé que le débat a été maintenant élevé là où il le fallait, parce que le système judiciaire doit constamment être amélioré.

Mme Wilson-Raybould avait rencontré plus tôt mardi les proches de Colten Boushie pour discuter justement de diverses façons d’améliorer le système judiciaire — notamment le processus de sélection des jurés, et la création d’un poste de protecteur des victimes d’actes criminels. La ministre avait déjà indiqué que son gouvernement songeait à modifier le processus de sélection des jurés.

Justin Trudeau ému

La famille Boushie a aussi eu un entretien en après-midi avec le premier ministre Justin Trudeau, qui a parlé d’une rencontre «très émouvante».

«J’ai été touché par leur désir de voir des impacts et des effets positifs de leur expérience qui a été extrêmement négative, évidemment, a indiqué M. Trudeau à l’issue de la rencontre. Et je me suis engagé à travailler avec eux pour améliorer notre système qui a créé trop d’échecs pour les communautés autochtones.»

La mère de la victime, Debbie Baptiste, s’est dite satisfaite d’avoir obtenu une rencontre avec le premier ministre. «Nous prions toujours pour que quelque chose soit fait, pour qu’en rentrant à la maison, on puisse dire à nos gens que nous avons essayé très fort et que nous continuerons», a dit Mme Baptiste en posant la photo de son garçon sur une Bible. «On ne s’arrêtera pas tant que des améliorations ne seront pas apportées.»

Un haut fonctionnaire au ministère de la Justice a confirmé que des réformes étaient déjà en chantier depuis quelques mois, mais que l’affaire Boushie avait projeté à l’avant-plan toute la question de la sélection des jurés.

Une règle de procédure judiciaire est particulièrement au coeur de la controverse dans l’affaire Colten Boushie: la «récusation péremptoire», qui permet à un avocat d’écarter un candidat juré sans aucune justification. Cette règle est inscrite dans le Code criminel et est donc de compétence fédérale. La réforme du système judiciaire, qui devrait être présentée avant la fin de cette session parlementaire à Ottawa, pourrait toucher notamment au processus de sélection des jurés.

Le NPD en réflexion

Les proches de Colten Boushie avaient aussi rencontré lundi la ministre des Services aux Autochtones, Jane Philpott, et sa collègue des Relations Couronne-Autochtones, Carolyn Bennett. Les Boushie leur avaient affirmé qu’ils ne faisaient plus confiance au système judiciaire et qu’ils étaient plutôt intéressés par des solutions à long terme pour le réformer.

Le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, qui a aussi rencontré les Boushie mardi, a précisé que la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la Gendarmerie royale du Canada avait ouvert une enquête, à la demande de la famille en janvier, sur le travail des policiers dans cette affaire. La famille aurait maintenant franchi la première étape de sa demande, a indiqué le ministre responsable de la police fédérale.

Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, songe quant à lui à demander à son parti de se pencher sur l’abolition de la règle de récusation péremptoire. M. Singh, qui devait aussi rencontrer les Boushie mardi, a admis qu’à cause de cette règle de procédure, les jurys sont parfois peu représentatifs de leur communauté. Le chef du NPD, qui était criminaliste avant de faire le saut en politique, estime qu’il est peut-être temps de revoir cette règle, qu’il a lui-même déjà invoquée au tribunal.

M. Singh croit que tout ce débat permettra «d’examiner les meilleures façons de constituer un jury qui reflétera le plus fidèlement possible la communauté, qui renforcera la confiance de la population face au système judiciaire et qui donnera des résultats fiables aux procès».

«On n’a pas eu la justice pour Colten Boushie. Et c’est clair. Ça, c’est la réalité, a-t-il dit. Moi-même, comme avocat, j’ai vu dans les cours de justice, personnellement, qu’il y a des temps où on ne voit pas la justice.»

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