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Grande découverte archéologique à Québec

MONTRÉAL — Une tache plus sombre sur le sol du chantier boueux d’un projet de condominiums à Québec a mené les archéologues à découvrir l’extrémité d’un pieu taillé à la hache, préservé dans de la glaise et profondément enfoui sous la surface.

La découverte effectuée l’automne dernier est considérée comme majeure: une section de 20 mètres de long de la palissade en bois érigée en 1693 par les troupes françaises et les colons pour protéger la cité des attaques de l’armée britannique et des Autochtones.

«Pour l’histoire de la ville de Québec, c’est extrêmement important parce que ce sont les premiers remparts, explique Jean-Yves Pintal, qui a dirigé la fouille pour le compte de la firme d’archéologie Ruralys. Il y avait eu de petits forts avant cela», ajoute-t-il, mais rien d’aussi solide que cette palissade.

Pour certains, la découverte d’une partie de la palissade de Beaucours vieille de 325 ans est toutefois le signe que la ville fortifiée la mieux préservée d’Amérique du Nord a encore bien des secrets à révéler, dont l’un qui intrigue les archéologues depuis plus d’un siècle.

«La palissade faisait partie des quelques secrets qui restaient à éclaircir sur cette ville-là, a déclaré le maire de Québec, Régis Labeaume, lors d’une conférence de presse sur la découverte en novembre. Il en reste un et c’est celui de la tombe de Champlain.»

Considéré comme le «père de la Nouvelle-France», Samuel de Champlain a fondé Québec en 1608. Si son nom a été donné à des rues, à des ponts et même à un énorme lac chevauchant la frontière canado-américaine, le lieu de son dernier repos demeure un mystère. En dépit de l’intérêt du public pour la question et de multiples efforts pour retrouver la tombe, les archéologues affirment qu’ils n’ont réalisé aucun progrès dans cette affaire.

Si le commentaire de M. Labeaume a été fait à la blague, la quête de la tombe de Champlain n’en reste pas moins un sujet un peu sensible pour les archéologues, indique M. Pintal. Même l’annonce de la découverte d’une des premières fortifications de Québec a été éclipsée par une remarque sur la sépulture du fondateur de la ville.

«Chaque fois que l’on creuse un trou à Québec, les gens nous demandent si nous cherchons Champlain, révèle-t-il en riant. C’est une histoire sans fin.»

Pour l’archéologue Carl Lavoie, qui a développé une passion pour la tombe de Samuel de Champlain, le sujet n’est plus matière à plaisanterie. Selon M. Lavoie, les efforts infructueux pour trouver la sépulture par le passé ont en quelque sorte «discrédité» la question et poussé certains de ses pairs à s’en désintéresser. Mais il ne voit aucune raison de ne pas prendre cette quête au sérieux.

«Chaque nation, chaque pays aimerait savoir où leurs fondateurs, leurs grands personnages se trouvent, soutient-il. Le maire l’a dit avec un sourire, mais je pense qu’il aimerait aussi le trouver.»

Même Carl Lavoie reconnaît que la partie est loin d’être gagnée. Selon les archives, Champlain est décédé le 25 décembre 1635 et sa dépouille a été placée dans une chapelle qui a plus tard été complètement rasée par un incendie. Un texte jésuite datant de 1642 parle d’un prêtre qui a été enterré aux côtés de l’explorateur français et d’un de ses amis, mais ne mentionne pas où l’ensevelissement a eu lieu.

«Les restes ont probablement été déplacés, mais personne ne sait quand et où», résume M. Lavoie.

Les premiers efforts sérieux pour retrouver la tombe remontent aux années 1850. Les scientifiques ont commencé à «creuser à droite et à gauche», mais sans succès. Plus récemment, l’archéologue René Lévesque, homonyme de l’ancien premier ministre du Québec, a mené une série de fouilles dans les années 1980 et 1990 qui se sont également révélées vaines.

Selon Carl Lavoie, l’emplacement de la «chapelle Champlain» d’origine dans laquelle le corps de Samuel de Champlain a été placé a été découvert dans la vieille ville. L’archéologue croit qu’il y a de bonnes chances pour que l’explorateur repose quelque part sous la basilique de Québec, soit dans une tombe individuelle, soit dans une fosse commune.

La quête pour les restes du fondateur de Québec est donc dans une impasse. Mais même si le squelette était retrouvé, il ne serait pas aisé de confirmer qu’il appartient bel et bien à Samuel de Champlain. L’explorateur n’a pas eu d’enfant et n’a laissé aucun descendant, ce qui élimine la possibilité de recourir à des tests d’ADN. Pour s’assurer qu’il s’agit bien de lui, il faudrait trouver des similarités entre la dépouille et le peu de choses connues sur le physique de Champlain, comme les traces laissées par les flèches qui l’ont blessé durant un conflit avec les Iroquois en 1613.

Même si cela semble une mission impossible, M. Lavoie évoque le cas du roi Richard III d’Angleterre, dont les restes ont été retrouvés sous un stationnement de Leicester en 2012, comme une raison pour ne pas renoncer au projet. «Nous pouvons continuer à rêver un peu», assure-t-il.

Jean-Yves Pintal est d’accord pour dire que ce serait formidable de finalement retrouver la tombe de Champlain, ne serait-ce parce que les gens arrêteraient enfin de poser des questions à ce sujet. Mais pour l’instant, il préfère se concentrer sur la palissade récemment découverte, qui a selon lui une grande importance pour la ville sur le plan symbolique.

Il espère que cette trouvaille permettra aux chercheurs d’en apprendre davantage sur les techniques de construction de l’époque et sur les rôles joués par les civils et les militaires dans la défense de la cité. «Le fait que la France ait reconnu que Québec méritait d’être protégée par des remparts est un peu comme une consécration, explique-t-il. La France a reconnu Québec comme étant la capitale de l’Amérique du Nord.»

M. Pintal ajoute que le bois vieux de plusieurs siècles risquait de se détériorer rapidement une fois exposé à l’air et qu’il a depuis été placé dans un entrepôt où la température est contrôlée afin de le préserver et de s’assurer que ses secrets à lui ne disparaîtront pas.

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