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Étude: les sables bitumineux polluent les lacs

EDMONTON – De nouvelles recherches ont apporté les preuves les plus concluantes jusqu’à maintenant que l’exploitation des sables bitumineux dans le nord de l’Alberta pollue les lacs environnants.

Les conclusions de l’étude seraient suffisantes pour mettre fin au débat sur le rôle de l’industrie dans la présence de toxines dans les bassins hydrographiques environnants, selon ses auteurs.

L’étude, publiée dans une prestigieuse revue scientifique de l’Académie américaine des sciences, conclut que six lacs de la région contiennent entre deux et demie et 23 fois plus d’hydrocarbures toxiques qu’avant l’exploitation des sables bitumineux.

Les niveaux de toxines demeurent faibles en général, mais certains lacs s’approchent du seuil d’alerte, rapporte l’étude, qui a été financée par le gouvernement fédéral.

Elle ajoute que le moment auquel la contamination est survenue ainsi que sa composition chimique indique que des sources industrielles sont en cause.

Pour le biologiste John Smol de l’université Queen’s à Kingston, un co-auteur de l’étude, les recherches de son équipe démontrent qu’il n’y a aucune façon d’attribuer la pollution des lacs qui ont été examinés à des causes naturelles.

L’industrie et le gouvernement ont longtemps suggéré que les hydrocarbures qui se retrouvent dans les plans d’eau près des développements de sables bitumineux pourraient venir des dépôts de bitume qui s’érodent naturellement.

Selon M. Smol, son étude écarte cette thèse. Il a qualifié le débat sur la question de «complètement fini».

La contamination industrielle dans la région des sables bitumineux est restée un sujet controversé parce qu’aucun niveau de base des hydrocarbures n’avait été déterminé avant l’exploitation de la ressource naturelle. Des rivières passent à travers de dépôts et des nappes de pétrole naturelles sont clairement visibles sur certains rivages.

Pour déterminer l’état des choses avant le développement des sables bitumineux, M. Smol et ses collègues ont récolté des échantillons de dépôts de cinq lacs près des développements et un est plus éloigné. Les différentes couches de sédiments fournissent des informations annuelles jusqu’à 1880.

Les niveaux d’hydrocarbures aromatiques polycycliques — dont plusieurs causent le cancer et qui sont considérés comme hautement dangereux — ont augmenté dans le temps dans les six lacs, selon les données des chercheurs.

Les données indiquent aussi que les niveaux commencent à augmenter à la fin des années 1960, le moment auquel a débuté la production commerciale de sables bitumineux. Au même moment, de tels niveaux ont commencé à décliner dans d’autres lacs nordiques. Les lacs en aval de mines de sables bitumineux ont connu des augmentations plus importantes que ceux situés en amont.

La composition des contaminants a aussi changé au moment du début du développement des sables bitumineux. La proportion d’hydrocarbures associés à des procédés naturels comme des feux de forêt a diminué, tandis que ceux associés à la production de sables bitumineux ont augmenté.

M. Smol a ajouté qu’il ne croyait pas que la pollution diminuerait.

«Ça ne fait que commencer», a-t-il résumé.

Cette étude est la dernière d’une série de recherches qui tentent de déterminer l’impact environnemental de l’industrie.

Elle a attiré des réactions immédiates de scientifiques sur le site Internet de la revue.

«Ces travaux mettent fin au débat sur si le développement des sables bitumineux contamine les plans d’eau de la région», a écrit Karen Kidd, biologiste et détentrice d’une chaire de recherche du Canada à l’Université du Nouveau-Brunswick.

Roland Hall, un biologiste de l’Université de Waterloo dont les travaux ont démontré que les sables bitumineux n’avaient aucun impact sur des lacs plus éloignés des développements, était moins catégorique.

«Un point de vue serait de dire « C’est horrible », un autre serait de dire « Wow, c’est tout? ». Ça élève les contaminants de peu seulement au-delà des limites de l’activité», a-t-il fait valoir.

L’écologiste David Schindler de l’Université de l’Alberta, dont les travaux de 2009 ont tracé un des premiers liens entre le niveau de toxines et les sables bitumineux, a pour sa part écrit que les programmes de surveillance de ces niveaux qui sont en train d’être mis en place devraient rester indépendants du gouvernement.

Le porte-parole de l’Association canadienne des producteurs pétroliers, Travis Davies, a pour sa part fait valoir que les recherches scientifiques étaient bénéfiques pour toutes les parties, mais il a indiqué que les résultats «devraient être mesurés contre de l’impact réel».

Adam Sweet, le porte-parole du ministre de l’environnement Peter Kent, y est allé dans la même veine.

«Avec l’exception d’un seul lac (…) les niveaux des contaminants n’ont pas dépassé les lignes directrices canadiennes et étaient faibles comparativement à des zones urbaines», a-t-il déclaré.

M. Sweet a indiqué que le plan de surveillance fédéral-provincial avait été mis en place pour examiner les préoccupations soulevées par cette nouvelle étude.

M. Smol, le co-auteur de l’étude, a conclu qu’il y avait plus à faire. Il a indiqué que l’étude devrait être élargie pour inclure davantage de lacs et plus de contaminants.

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