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Le manifeste pour une éducation gratuite de Gabriel Nadeau-Dubois

Gabriel Nadeau-Dubois Photo: Denis Beaumont/Métro

Une des figures de proue du mouvement étudiant de 2012, où il réclamait envers et contre tous rien de moins que la gratuité scolaire, Gabriel Nadeau-Dubois n’a visiblement pas abandonné le combat. Métro s’est entretenu avec lui alors qu’il s’apprête à publier demain Libres d’apprendre, un recueil d’essais sur le sujet, avec la participation d’une quinzaine d’intervenants, dont l’écrivaine Lise Payette et l’intellectuel américain Noam Chomsky.

Il y a deux idées parallèles mais opposées dans votre livre: d’une part, on fait l’éloge de la Révolution tranquille et de ses acquis, notamment l’accès à l’éducation, mais d’autre part, on témoigne d’un certain malaise avec l’héritage des années 1960, dont la vision utilitaire de l’éducation qui en est ressortie. Comment réconcilier ces visions?
C’est certain que les réformes de l’époque ont démocratisé l’éducation de manière importante. Ça a permis aux filles d’ouvriers, aux jeunes des régions et aux francophones en général d’avoir accès aux études supérieures – tout ça, ce sont de grandes victoires. Cette portion-là, la démocratisation de l’éducation, il faut la sauvegarder et la défendre.

En même temps, il y avait aussi des problèmes avec les réformes de la Révolution tranquille. Un des objectifs du livre, c’est d’amener les gens à s’interroger. Qu’est-ce qui est à renouveler? Qu’est-ce qu’on devrait laisser tomber? Qu’est-ce qu’on pourrait faire à la manière du XXIe siècle? Je ne pense pas que le livre donne toutes les réponses, mais je pense qu’il pose des questions importantes.

Plusieurs auteures qui figurent dans votre livre, dont Lise Payette, affirment qu’elles n’auraient pas pu accéder aux études, n’eût été la Révolution tranquille. De nos jours, 58% des étudiants à l’université sont des femmes. Le travail est-il accompli?
Le chemin que le Québec a parcouru depuis les années 1960 est important en termes d’accessibilité pour les classes moyennes, les classes populaires et les femmes. Mais, premièrement, le travail n’est pas complété. Et deuxièmement, il y a des menaces. On risque de faire des pas en arrière. Augmenter les droits de scolarité de 75% comme le proposaient les libéraux en 2012, c’était une menace de retourner en arrière.

Oui, il y a 58% de femmes à l’université en ce moment, mais quand on regarde la situation à la maîtrise ou au doctorat, et encore plus chez les professeurs, la parité n’est pas encore atteinte.

Chez certains groupes, et dans certains arrondissements montréalais, le taux de décrochage au secondaire atteint 40%. Comment la gratuité des études universitaires aiderait-elle les décrocheurs?
Il ne faut pas penser que la gratuité est un remède miracle, et il ne faut surtout pas penser qu’il suffirait de la réaliser pour que l’accessibilité aux études devienne une réalité. Il faut aussi lutter de manière déterminée et il faut mettre d’immenses ressources pour arrêter l’hémorragie dans nos écoles secondaires.

«Ce que le livre dit, c’est: attention, il y a d’autres possibilités que de faire juste de la gestion de coupes.» – Gabriel Nadeau-Dubois

Dans le contexte d’austérité qui existe au Québec, quel accueil sera réservé à votre livre, selon vous?
C’est un livre qui est à contre-courant, c’est clair. Il tranche vraiment avec le discours politique actuel. Que ce soit au sein du Parti libéral [du Québec], du Parti québécois ou de la Coalition avenir Québec, on nous dit à peu près la même chose: il n’y a pas d’argent, on n’a pas le choix, on ne peut rien faire, on est menottés, c’est épouvantable, il n’y a qu’une chose qu’on puisse faire, et c’est couper. Puis, on fait un débat pour décider où on va couper. C’est l’essentiel du débat politique au Québec actuellement.

On peut décider d’aller chercher des revenus supplémentaires, parce que dans notre société, il y en a, de l’argent. Certaines personnes sont en train de s’enrichir beaucoup au Québec. Ces personnes, pour la plupart des entreprises en fait, ont le devoir de participer au bien commun à la hauteur de leurs capacités. Malheureusement, les gouvernements, depuis 15 ou 20 ans, leur en demandent de moins en moins, et en demandent de plus en plus à la classe moyenne, aux gens qui travaillent pour de vrai.

Plusieurs auteurs dans votre livre déplorent que l’idéologie néolibérale ait inculqué aux gens l’idée que l’éducation est un investissement personnel. Quel rapport les jeunes devraient-ils avoir avec leur éducation?
Ce que ce livre met de l’avant, c’est une conception de l’éducation beaucoup plus large et généreuse, selon laquelle l’éducation est aussi une manière de transmettre la culture, de transmettre des valeurs, de former des citoyens et citoyennes. Ça a l’air d’être un lieu commun de dire ça, mais dans les faits, c’est ce qui est en train de disparaître, du primaire à l’université. On l’a vu il n’y a pas plus longtemps que cet été, quand les jeunes libéraux ont fait une sortie pour aller dire «on va éliminer la formation générale, on veut remplacer les cégeps par des écoles de formation technique». Ce livre, c’est grosso modo un manifeste contre cette vision de l’éducation.

Gabriel Nadeau-Dubois Libres d'apprendreLibres d’apprendre, plaidoyers pour la gratuité scolaire
En librairie mercredi
Éditions Écosociété

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