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Derrière les claviers d’Anonymous

Photo: Getty Images

Depuis six ans, Gabriella Coleman observe de très près le groupe d’activistes informatiques Anonymous, passant des heures et des heures sur leurs clavardoirs (chat rooms) et rencontrant plusieurs de leurs participants. Cette anthropologue de l’Université McGill et auteure du livre «Hacker, Hoaxer, Whistleblower, Spy: The Many Faces of Anonymous», publié au début de novembre, a donné un aperçu de ses connaissances, mercredi, lors d’une conférence au Radio-Canada Lab.

«C’est dans des espaces comme ceux-là que les participants aux opérations d’Anonymous discutent de leurs stratégies et de leurs philosophies politiques et organisent leurs actions, a expliqué Mme Coleman en montrant à Métro le chat room de l’Opération Ferguson sur son ordinateur. C’est aussi là que je passe la majorité de mon temps.»

C’est principalement en prenant part à ces discussions en ligne que Mme Coleman a appris à connaître les dessous du mouvement. Elle a aussi rencontré une vingtaine d’activistes, joignant leurs activités comme observatrice, se rendant à leurs procès – plus d’une centaine ont été arrêtés partout dans le monde dans les dernières années – et les visitant en prison. Elle s’est rapidement fait connaître du milieu et plusieurs sont venus la voir pour lui partager de l’information. «Les “hacktivists” aiment bien que des gens de l’extérieur qui les comprennent bien les aident à transmettre leurs messages», a signifié la chercheure. Elle s’est d’ailleurs fait interviewer plus de 250 fois par des journalistes dans les deux dernières années.

Gabriella Coleman

Mme Coleman tient à défaire les fausses conceptions au sujet d’Anonymous, aujourd’hui reconnu pour avoir mené plus de 300 opérations, du mouvement Occupy aux soulèvements dans le monde arabe, en passant par le printemps érable. «Anonymous est très actif présentement, a exprimé Mme Coleman. Il a contribué à attirer l’attention des médias sur les événements de Ferguson. C’est par contre en Asie et en Amérique latine qu’il s’y trouve les groupuscules les plus énergiques.»

Elle croit par ailleurs qu’Anonymous est là pour rester. «Leur durabilité vient du fait que le nom peut être utilisé par n’importe qui et qu’il n’est identifié ni à une seule personne, ni à un seul groupe, ni à une seule nation», a expliqué la passionnée.

En effet, Mme Coleman décrit Anonymous comme une hydre, cet animal mythologique à plusieurs têtes. Puisque tout le monde peut s’en revendiquer, ce ne sont pas toutes les opérations qui fonctionnent et mobilisent. «Le cas du site web de la ville d’Ottawa, qui a été piraté la semaine dernière, illustre ce qui arrive lorsqu’une personne qui agit seule n’arrive pas à attirer l’attention et le soutien des équipes plus établies. Ça tombe à plat», a analysé l’anthropologue.

Méconnus
Quelques faits méconnus à propos d’Anonymous, selon Gabriella Coleman:

  • Anonymous ne peut pas être unanime. Tellement de gens et de groupes le composent qu’il y a nécessairement une diversité de techniques et d’opinions.
  • Anonymous n’est pas aussi juvénile et naif qu’il en a l’air. Il y a en son sein de vraies réflexions politiques.
  • Il n’est pas composé seulement des hommes blancs de classe moyenne. Il y a des participants de tout type partout dans le monde pour défendre plusieurs causes.
  • Au départ, Anonymous n’était pas censé être politique. C’était un mouvement de perturbateurs du web à but humoristique. Il a commencé à se politiser autour de 2008 lorsqu’une opération humoristique contre l’Église de scientologie s’est transformée en protestation sérieuse contre les principes et les actions de cette religion.«Ma théorie est que l’Église de scientologie était un ennemi naturel des geeks et des hackers. Pour ces adeptes de la pensée critique, de la science et de la technologie, une religion basée sur la science fiction et la technologie qui ne fonctionne pas est un vrai cauchemar», a analysé Mme Coleman.
  • Un autre moment déterminant dans l’histoire d’Anonymous est la campagne de 2010 contre les serveurs de Mastercard et de Paypal qui empêchaient les dons à WikiLeaks.

Le Radio-Canada Lab, qui a pour mandat de mettre de l’avant des projets numériques du diffuseur public, organise régulièrement des Midis Lab, soit des conférences ou des ateliers reliés à la créativité et l’innovation.

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