Éviter un conflit entourant le chalet

Photo: collaboration spéciale

Plus de 50% des gens n’ont pas de testament, dont près de 25% des 55 ans et plus. Ce qui est susceptible d’entraîner certaines complications pour les proches lorsqu’une personne meurt. Dans une série de six reportages, nous explorons les enjeux liés à la transmission du patrimoine et des pistes de solution qui peuvent être empruntées.

La mère de Michel Foulon*, Suzanne, est âgée de 70 ans. Son principal actif? Un chalet qui ne paye pas de mine, mais qui est bâti sur un terrain riverain d’un lac qui a acquis une bonne valeur au fil du temps. Comme elle souhaite partager ce legs équitablement entre ses deux fils, elle a choisi de les désigner par testament copropriétaires du chalet.

Mais déjà, les deux fils ne s’entendent pas. Michel aimerait bien remettre le chalet au goût du jour pour en faire profiter sa famille. Son frère, quant à lui, a l’intention de vendre le terrain et d’utiliser l’argent pour acheter sa première maison.

Des actifs substantiels conjugués à une forte valeur émotive: voilà un cocktail parfait pour les chicanes.

Un scénario classique
Les conflits entourant un actif prisé dans une famille sont fréquents, selon Patricia Besner, notaire fiscaliste et planificatrice financière chez Desjardins gestion de patrimoine. «Les gens désirent tous transmettre leurs biens de façon équitable à leurs enfants, mais ce souhait, en pratique, se décline de multiples façons, dit Mme Besner. Ce que plusieurs oublient, c’est qu’au-delà de la valeur monétaire, il y a la valeur sentimentale, qui n’a pas le même poids pour tous. Dans certains cas, les biens n’ont aucune valeur sentimentale pour l’enfant, et on se retrouve plutôt à lui léguer un fardeau.»

Afin d’éviter les conflits, la première question que pose Patricia Besner aux familles qu’elle rencontre est la suivante: avez-vous sondé l’intérêt de chacun de vos enfants pour vos biens? «C’est la seule façon d’établir une structure de succession à l’abri des conflits. Après tout, on cherche d’abord à faire plaisir», dit Mme Besner.

Pour s’en assurer, c’est simple: il faut parler de ses plans de succession avec les principaux intéressés. Si on redoute la discussion aujourd’hui, il y a fort à parier qu’elle sera loin d’être agréable pour les héritiers après le décès…

Ainsi, il aurait été tout indiqué pour Suzanne d’évaluer l’intérêt de chacun de ses enfants envers son chalet au lieu de s’en tenir à l’égalité mathématique.

Les «papa m’avait promis» entraînent aussi des discussions animées, selon Stéphane Langlois, notaire: «La période du deuil est déjà chargée émotivement, alors quand on ajoute les questions d’argent et de famille à l’équation, les discussions peuvent vite s’envenimer.»

«Tout devrait être clairement précisé dans le testament, ajoute le notaire. Les héritiers sont ainsi en mesure de comprendre les volontés du défunt, ce qui laisse moins de place à l’interprétation personnelle.»

Comment léguer un bien convoité
Pour léguer un bien que plusieurs personnes convoitent, deux grandes solutions existent: la copropriété et la fiducie testamentaire.

En copropriété, la propriété est partagée, comme dans le cas de Michel et de son frère qui se retrouvent propriétaires à 50/50 du chalet. Simple sur papier. En pratique, parfois un peu moins…

«Ce n’est pas seulement le bien qui est partagé en copropriété, mais aussi toutes les décisions, résume Patricia Besner. Les deux enfants doivent donc s’entendre sur tout.»

La solution de rechange pour éviter les conflits: la fiducie. «Si on la crée de son vivant, on parle d’une fiducie familiale et, au décès, d’une fiducie testamentaire, explique Patricia Besner. En somme, le chalet n’appartient pas aux enfants, mais à la fiducie – un patrimoine distinct – qui permet de personnaliser la succession selon ses souhaits et de garder un certain contrôle sur ses actifs.»

«Les enfants peuvent bien entendu apparaître dans la liste des fiduciaires afin de participer aux décisions relatives au bien, mais un cofiduciaire indépendant sera présent pour tempérer les discussions», ajoute la fiscaliste.

*Pour des motifs de confidentialité, le nom a été modifié

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