L’amant double: À deux, c’est mieux
Il n’y a pas un mais deux Jérémie Renier dans L’amant double, le nouveau film de François Ozon.
Jérémie Renier interprète à la fois le gentil psychiatre Paul et son frère jumeau Louis, qui est beaucoup plus énigmatique. Lorsque le premier est censé aider Chloé (Marine Vacth) qui n’a peut-être pas toute sa tête, le second vient brouiller les cartes.
Paul existe-t-il vraiment ou n’est-il qu’une lubie de Chloé? Y a-t-il un homme, deux hommes ou une explication encore plus perverse? «Je ne vous le dirai pas, lance en riant le comédien belge, rencontré lors de son passage à Montréal dans le cadre de Cinemania. C’est assez jouissif de semer le doute dans l’esprit du spectateur.»
Tordu et inquiétant, ce thriller érotique évoque par moments les dernières moutures de Blade Runner et d’Alien, obligeant son personnage masculin à se dupliquer littéralement. «Il fallait qu’on trouve une justesse pour qu’on y croie, évoque Jérémie Renier. Il était impératif d’avoir plusieurs couches afin d’étoffer les personnages et de les unir inconsciemment.»
«À la fin, je ne savais plus qui j’étais, ce que je devais dire, où je devais me placer. Quel personnage j’étais? Paul ou Louis? Ils s’entremêlaient. C’était assez drôle.» – Jérémie Renier, qui incarne des jumeaux dans L’amant double
Sorte d’œuvre-miroir du précédent et éblouissant Franz d’Ozon, L’amant double représente, comme toujours chez le cinéaste, un changement de registre radical, bien qu’il y explore tous ses thèmes fétiches que sont le mensonge, les fantasmes et les liens incessants entre le rêve et la réalité. Un labyrinthe qui devient rapidement obsédant.
«Je crois que François aime bien ne pas donner toutes les clés, avoir un spectateur qui doit réfléchir et qui tente de démêler ce qu’il voit, analyse Renier, qui en est à son troisième long métrage sous sa direction. Est-ce que le réalisateur se joue de moi ou pas?»
Ce jeu semble d’ailleurs au cœur des enjeux avec ses retournements de situation incroyables, ses situations saugrenues et ses hommages au cinéma de Cronenberg et De Palma. «François est quelqu’un qui aime perturber le spectateur, le provoquer, et qui a toujours un brin d’humour dans ce qu’il raconte, admet son acteur fétiche. Il le fait toujours avec cette même patte et ce même double. Parce qu’il est double. On est tous doubles, mais François, lui, il est pas mal double!»
Pères spirituels
Si ce sont les frères Dardenne qui ont littéralement mis au monde cinématographiquement Jérémie Renier à l’âge de 15 ans dans La promesse (il est ensuite apparu dans quatre autres de leurs films), c’est François Ozon qui lui a permis d’accéder à l’âge adulte en le libérant d’un poids.
«Les frères Dardenne m’ont donné la rigueur, la dureté et le côté un peu austère du métier tout en me donnant de l’amour à mon égard, explique l’acteur de 36 ans. François m’a donné le plaisir, il m’a montré qu’on pouvait s’amuser.»
Présentement en salle