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Qu’importe la gravité: Planer vers la lumière

Photo: Spira

Dans son documentaire Qu’importe la gravité, l’artiste visuel Matthieu Brouillard pose son regard sur des hommes qui aspirent à transcender leur condition en s’envolant.

Christian, 63 ans, est atteint d’un handicap génétique qui affecte sa vue. Bruce, de huit ans son aîné, est malentendant et bipolaire. Cela ne les empêche pas de vouloir se jeter dans le vide en parapente. Une foi aussi aveugle que celle d’Icare de s’élever en oubliant les limites de leur corps.

« Je pense qu’il y a quelque chose de subversif dans les personnages et dans le sujet du film, affirme le cinéaste montréalais, joint en Suisse, où il enseigne la photographie à l’Université de Berne. Il y a un renversement des codes, des habitudes, que je trouvais assez salvateur. »

«On est tous des étrangers quelque part. Je pense que le sentiment de ne pas correspondre à ce qui nous est demandé est quand même quelque chose que beaucoup de gens vivent.» – Matthieu Brouillard, réalisateur du documentaire Qu’importe la gravité

C’est un fascinant duo qu’on retrouve. Le rêve de Christian dont l’imaginaire est rehaussé par les mots de Bruce. Un tandem que n’aurait pas renié Werner Herzog tant il est riche et évocateur. Ces amis, souvent filmés dans leur quotidien, forment une famille de reconstitution, aussi fragile que précaire mais non dénuée de bonheur.

«Ce sont des gens seuls, marginalisés et isolés qui se sont trouvés, note le réalisateur. Ils partagent des moments précieux mais n’arrivent pas toujours à s’entendre. Il y a quelque chose de singulier et de profondément universel dans leurs rapports.»

Lorsque l’essai sort de ce cocon, il est sublimé par des plans plastiques d’ordre mythologique qui élèvent les âmes et leur quête ainsi que par des moments fulgurants de poésie et de beauté alors qu’on peut enfin palper cette liberté tant désirée. Ces mouvements qui sont volontairement accentués, mis en situation de contrainte et de déviation, ont toujours fasciné son auteur, qui voit là l’occasion d’affermir son obsession.

«L’approche qui m’intéresse en art est une forme de dramatisation, d’intensification, peut-être outrancière, qui frôle parfois le grotesque mais qui m’a toujours semblé capter quelque chose de profond et d’essentiel.»

L’essor du moment

Reconnu pour ses photographies en noir et blanc dont l’esthétisme austère peut rappeler le travail du cinéaste hongrois Béla Tarr, Matthieu Brouillard a changé radicalement de registre pour son premier long métrage, Qu’importe la gravité.

«C’est un film que j’ai fait seul: le son, la photographie, la production, rappelle le réalisateur. Il y a quelque chose de brut qui ressort de ça. Je suis allé chercher quelque chose que je n’aurais pas osé faire avec mes photos… La couleur et le côté un peu plus pop de mes photographies étaient dictés par le sujet. Ce sont des êtres humains singuliers qui parlent beaucoup. Les mettre en noir et blanc et pousser la mise en scène, je trouve que ça aurait trahi quelque chose. C’est beaucoup leur film.»

Qu’importe la gravité sera projeté à la Cinémathèque québécoise à compter de lundi soir jusqu’à jeudi.

Le film sera présenté à Québec (1er et 28 mai) et à Rimouski (10 mai).

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