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La fascination pour l’horreur explorée au théâtre

Photo: Denis Beaumont/Métro

L’auteur Guillaume Corbeil a voulu comprendre la fascination pour l’horreur dans sa pièce Le mécanicien.

Tout a commencé le 11 septembre 2001. Le jeune Guillaume Corbeil a passé la journée à regarder des images des deux tours new-yorkaises s’effondrant, incapable d’aller à ses cours. Au bout d’un certain temps, il s’est demandé pourquoi il regardait ces images en boucle, ce que cela lui donnait. «Je me suis demandé : est-ce que c’est une sorte de catharsis que j’attends de vivre? Est-ce que c’est un mantra de terreur pour faire vibrer quelque chose en moi? Et dès ce moment-là, on dirait que la réflexion s’est amorcée.»

Quelques années plus tard, Guillaume Corbeil est allé voir la pièce Incendies, de Wajdi Mouawad. «Ce qui m’intéressait, c’était le rapport du public à la pièce, la fascination des gens qui vont au théâtre, un lieu assez bourgeois, pour ressentir une émotion à partir de l’expérience de gens qui vivent des atrocités en temps de guerre», explique l’auteur.

Ce n’est que l’an dernier, alors qu’il était finissant en écriture dramatique à l’École nationale de théâtre, qu’il a décidé de mettre sur papier cette idée qui avait germé dans son esprit.

Pourquoi ce besoin de consommer la douleur des autres? «Je ne sais pas si c’est pour se déculpabiliser de notre réalité confortable ou si c’est, au contraire, que notre réalité, étant loin du drame, on a l’impression qu’elle est plate, contrairement à ces histoires qu’on juge dignes d’être portées à la scène», s’interroge l’auteur.

Ce sont donc les questions que se pose le couple au centre du Mécanicien. Ce couple revient d’un garage où on leur a raconté une histoire d’horreur. «Ils sont dans leur condo neuf, ils ont l’impression de ne rien vivre. Ils viennent de rencontrer quelqu’un, et ils vont finir par décider que c’est un ancien bourreau.» Leur réalité confortable, tout d’un coup, est dérangée par cette histoire, qu’ils ressassent sans arrêt.

Ces deux individus sont un peu les spectateurs de Wajdi Mouawad, image Guillaume Corbeil. «Ils essaient de rouvrir de façon volontaire, mais inconsciente cette boîte pour faire vibrer l’émotion du “Ah mon Dieu, c’est terrible”. Et, un moment donné, ils ne savent plus comment la faire vivre et ça va mener jusqu’à… des choses que le spectateur apprendra dans la salle», conclut l’auteur avec un sourire sibyllin.

Mais ce couple, n’est-ce pas aussi un peu tout le monde? Bien sûr, affirme Corbeil. Le but n’est pas de condamner ce sentiment de fascination pour l’horreur, mais de se questionner sur son origine. «Je veux que les spectateurs s’identifient aux personnages, que ceux-ci résonnent en eux.»

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La dictature de la photo
Lorsque Guillaume Corbeil a fait un voyage en Pologne, il a refusé d’accompagner ses amis à l’ancien camp de concentration d’Auschwitz. Même chose en Allemagne, où tout le monde se prenait en photo devant les restes du mur de Berlin.

«Je trouvais ça trop malsain d’aller consommer l’horreur du XXe siècle avec un groupe de touristes», confie celui qui porte fièrement un chandail Ground Zero, confectionné par sa blonde. «Quand je vais à New York, et que je passe devant Ground Zero, c’est sûr que j’ai une certaine fascination. Mais quand je vois tout les gens qui passent leurs bras dans la clôture pour prendre des photos du trou, je me demande : pourquoi, au fond? C’est devenu le centre du monde, se prendre en photo avec les choses!» C’est d’ailleurs le sujet de sa prochaine pièce, Cinq visages pour Camille Brunelle, qui prendra l’affiche au printemps à l’Espace Go. «On voit que ce sont mes maladies mentales!» conclut l’auteur en riant.

Le mécanicien, de Guillaume Corbeil
Mis en scène par Francis Richard
Du 11 au 29 septembre à la salle Jean-Claude Germain du Théâtre d’Aujourd’hui

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