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Fatoumata Diawara: sublimer la douleur

Photo: Collaboration spéciale

La chanteuse et musicienne malienne Fatoumata Diawara s’en vient danser avec les flocons montréalais. Invitation à la douceur, à l’amour et à la transe sur fond de revendications féministes.

Belle comme le jour, funky comme la nuit et dynamique comme le rock, la chanteuse malienne dont l’étoile ne cesse de briller partout dans le monde a choisi de revendiquer l’émancipation des femmes et des enfants d’Afrique avec grâce, amour et douceur. Elle revient pour la troisième fois à Montréal dans le cadre de Mont-réal en lumière.

La dernière fois que vous êtes venue, il pleuvait, et les gens dansaient tout en ressentant un étrange feeling qui ressemblait à quelque chose comme une transe. C’est cela, votre musique? La transe et la fête à la fois?
Exactement. Il y a un côté un peu mélancolique lorsqu’on écoute l’album (Fatou) et un côté très solitaire, très doux, qui donne envie de transplanter de l’amour. Mais la version live est très différente de l’album. Le public me parle souvent de la façon dont je me défonce sur scène (…). Quand les gens viennent au concert, ils sont habités par une énergie différente de celle qu’ils éprouvent à la maison et ils ont envie de faire la fête. Alors, de fait, ça part vers la transe. Ce qui est très courant en Afrique.

Vous êtes aussi beaucoup plus rock sur scène.
Oui, j’essaie de toucher les jeunes de ma génération. Et pour le faire, il faut aller vers ça, sans pour autant dénaturer l’album. Les chansons et les thèmes restent les mêmes. Tout est à sa place, mais avec un autre état d’esprit, qui consiste à aller vers le public.

Parlant de thèmes, quelle est la langue utilisée et le propos général de vos chansons?
Je chante en bambara avec un accent que l’on retrouve au sud du Mali. Il s’agit d’un accent très ancien que ma génération utilise à peine. Je mélange cela avec des thèmes qui vont toujours dans le sens de la cause des femmes. Et qui dit les femmes dit aussi les enfants, car c’est lié. Leurs positions sont un peu similaires en Afrique. Il n’y pas beaucoup d’écoute pour les enfants alors qu’ils sont le futur.  Et s’il y a tout le temps des guerres sur le continent africain c’est aussi parce que les femmes ne sont pas assez présentes. On ne leur donne pas la possibilité de donner cet amour dont l’Afrique a besoin pour que les enfants soient heureux. Je me bats donc pour que les hommes laissent les femmes les aider. Ils sont forts, on a besoin d’eux, mais il faut qu’ils acceptent de se faire aider, surtout en Afrique.

Vous luttez contre l’excision. Est-ce que votre combat en est un contre l’intégrisme islamiste?
Nous n’avons même pas trouvé la source de cette pratique horrible. Il est temps que ça cesse. On nous dit que c’est venu à travers la religion, mais, paraît-il, cela n’est pas vraiment dit dans le Coran. Par exemple, en Mauritanie, qui est un pays islamique situé à côté du Mali, la plupart des femmes ne sont pas excisées (…). Les hommes qui détiennent le pouvoir ne savent pas à quel point cette pratique est horrible pour les femmes. L’homme a beau être circoncis, il ne peut pas s’imaginer le côté dramatique de tout ça.

Est-ce que vous recevez des menaces, comme ce fut le cas pour le reggaeman Tiken Jah Fakoly, qui dénonce lui aussi l’excision, entre autres choses?
Comme je suis une femme et que j’aborde les choses différemment, honnêtement, non. Mon message a fait mal à certains conservateurs, mais j’ai reçu beaucoup de compliments d’enfants immigrés en France, notamment. Ils et elles entendent mon message parce que je l’ai écrit d’une manière sincère. J’ai été excisée moi-même et je peux donner des détails sur le mal que ça fait.

Donc la façon de menez vos batailles, au demeurant justes et louables, passe par la musique, la beauté et le charme plutôt que la vindicte?
Voilà. Je n’ai pas envie d’être une revendicatrice mais plutôt de donner de l’amour. Je veux que les choses changent, c’est urgent, d’une manière dense mais avec beaucoup de douceur. Il est temps de trouver un autre moyen que la façon agressive en tant que femme car, quoi qu’il arrive, c’est l’amour qui peut nous réunir. Quand je chante l’excision, je chante aussi pour le père qui voit mourir sa fille dans ses bras d’une hémorragie au lendemain de l’excision. Les hommes sont concernés par cela, ils sont aussi leurs propres ennemis. Le combat est pour nous tous, pas que pour les femmes. Dans une de mes chansons, je pose cette question essentielle : pourquoi faisons-nous encore cette pratique horrible?

Fatoumata Diawara à Montréal en lumière
À l’Astral le samedi à 20 h

[youtube http://www.youtube.com/watch?v=elwA7SHM8_U?rel=0]

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