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Au pays des Loco

Photo: Yves Provencher/Métro

Huit ans après Amour oral, Batlam, Biz et Chafiik reviennent avec Le Québec est mort, vive le Québec! Rencontre animée avec les trois rappeurs engagés.

Dire que Le Québec est mort, vive le Québec! était un disque attendu est une évidence. Et on ne saurait imaginer moment mieux choisi pour accueillir le premier album des Loco Locass en huit ans. Après tout, tant d’éléments de l’actualité semblent concorder avec leur discours. «Alors, les gars, sentez-vous que davantage de gens s’éveillent à ce que vous chantez depuis tant d’années?» leur demande-t-on d’emblée. «Si c’était le cas, les libéraux seraient déjà dehors et le Québec serait un pays, répond directement Chafiik. Donc non, on n’a pas une grande influence. Le hasard fait que la conjoncture politique s’y prête. Ce n’était pas voulu! Si on pouvait sortir un disque quand on veut, on n’aurait peut-être pas attendu aussi longtemps!»

Parlant de questions actuelles, les Loco abordent le thème de l’intimidation sur deux chansons. D’abord sur la bouleversante M’accrocher (version tourmentée). Une nouvelle interprétation de la pièce, qui avait figuré au générique de Tout est parfait, film d’Yves Christian Fournier qui abordait le thème du suicide («Avancer c’est vain quand y’a pas d’horizon / À mes pieds y’a un ravin pis j’en vois même pas le fond»). Puis, sur Secondaire, une composition un brin plus légère («J’ai feuilleté mon album des finissants /[…] On avait tous des coupes de gland.») «Encore une fois, c’est un hasard, assure Chafiik. Secondaire, on l’a écrite avant même que le sujet de l’intimidation soit d’actualité.»

Sur le Québec est mort, vive le Québec!, le trio de rappeurs reste dans la continuité, tout en changeant un tout petit peu de ton par rapport à Manifestif (2000) et Amour oral (2004). On le remarque, par exemple, sur Kevin et Gaétan, l’histoire touchante d’un père et d’un fils pris dans un cercle de misère.

«Sur Manifestif, la même chanson aurait sonné comme «Maudit gouvernement, maudit que vous êtes caves de jouer, c’est pas bon pour vous». «Tandis que là, il n’y a pas de morale, c’est juste voici ce qui se passe, tirez-en les conclusions que vous voudrez, observe Biz. Le titre préliminaire de cette pièce-là, c’était Les jeux sont faits. Je trouvais ça banal. Alors, je me suis demandé, de quoi il était question dans cette chanson? Et j’ai réalisé que c’est d’une relation père-fils dont je voulais parler. C’est extraordinaire, car tu le sais que le père ne s’appelle pas Kevin. C’est évident que Kevin, c’est le fils, et que Gaétan, c’est le père. Ce sont deux mots, pas très beaux, mais qui en disent long.» «Juste appeler son enfant Kevin, c’est tellement le symptôme d’une acculturation qui a eu lieu progressivement au Québec! s’exclame Chafiik. On trouve que les Américains, ils l’ont tellement l’affaire, qu’on appelle nos enfants avec des prénoms anglophones!»

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Complétant les phrases les uns des autres, s’apostrophant sur moult sujets, Batlam, Biz et Chafiik s’indignent par exemple de la controverse ayant entouré l’utilisation minimal du français aux Jeux olympiques de Vancouver. Sujet auquel il font allusion dans Occupation double («J’m’en crisse / Qu’à Vancouver 2010 / Ça soit Garou qui fasse office / De francophone de service»). «Le sort réservé au français aux J.O., ce n’est pas ça le vrai combat! Le vrai combat, c’est ici que ça se passe. Au Québec! C’est une lutte de survie, littéralement», affirme Batlam.

Extrêmement heureux d’avoir pu collaborer avec Gilles Vigneault pour une relecture de Tout le monde est malheureux, que l’on peut entendre sur ce nouveau disque, les trois amis ne tarissent pas d’éloges sur le grand artiste : «Lui, il a refusé de participer aux Jeux de Vancouver… mais il a accepté de chanter sur l’album de Loco Locass! se félicite Chafiik. Ça dit tout! On le respecte tellement!»

Ce qu’ils disent respecter moins, toutefois, ce sont ceux qui leur collent des étiquettes. «On nous reproche d’être fermés et repliés sur la ceinture fléchée, dit Biz, alors que dans les faits, si on analyse nos textes, on voit qu’ils s’ouvrent dans toutes sortes de directions. Même notre nom, le Loco, il vient de l’espagnol et du latin!» «Aucun d’entre nous n’est né de deux parents québécois, rappelle pour sa part Chafiik. Alors, on est loin de prôner un protectionnisme à tendance xénophobe. Vraiment pas! C’est juste qu’on les aime tellement, les autres pays, qu’on veut être comme eux : un pays!»

Loco Locass
Spectacle gratuit aux Francos
Le 15 juin à 21 h
Album dans les bacs mardi

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