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Entrevue avec Léo Bureau-Blouin: l’expérience de la jeunesse

Photo: Yves Provencher/Métro

Il ouvre les portes aux dames et sourit aux passants qui le reconnaissent. Posé et articulé, il répond aux questions de façon sérieuse et se garde d’attaquer ses adversaires. Difficile de croire que Léo Bureau-Blouin n’a que 20 ans. S’il ne s’était pas exclamé d’un «ah man!» lâché une fois l’entrevue terminée, on pourrait penser qu’un adulte beaucoup plus vieux s’est emparé du corps d’un jeune homme. Rencontre avec celui qui pourrait devenir le plus jeune élu à faire son entrée à l’Assemblée nationale.

Vous sortez du conflit étudiant et vous vous lancez en campagne électorale, comment avez-vous tenu le coup jusqu’à présent?
Ce qui m’a sauvé pendant que j’étais représentant de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) a été de rester concentré. Et puis on finit pas créer une distance entre le personnage politique ou le représentant étudiant et sa propre personne. Mais c’est sûr que c’est beaucoup de pression. Je ne peux avoir une vie conventionnelle, mes opinions sur des sujets banals deviennent des sujets de nouvelles, je dois faire attention.

Même en vacance, j’avais quitté le Québec pour prendre un peu de distance… mais on rencontre des Québécois partout.

Les gens sur le terrain sont généralement sympathiques avec vous?

J’ai la chance de bénéficier d’une certaine sympathie du public. C’est assez positif. C’est ce qui me permet de passer à travers. Les gens sur terrain me parlent et c’est gentil et sympathique en général. Mais si c’était l’inverse, ce ne serait pas pareil!

Les derniers mois ont été éprouvants pour M. et Mme tout le monde, mais aussi pour les étudiants et les porte-parole étudiants.

Comment votre entourage a vécu les derniers mois?
Ma famille était inquiète par instinct de protection. On a fait attention pour ne pas trop que ma famille et ma copine soient exposées. Mes parents ont parfois été appelés à commenter, mais on s’est entendu que ça ne se ferait pas trop souvent. Il faut être prudent.

Gabriel Nadeau-Dubois a quitté son poste de porte-parole CLASSE récemment et a affirmé dans Le Devoir qu’un leader étudiant est redevable au mouvement étudiant et ne doit pas se servir de l’attention médiatique pour faire avancer des convictions personnelles (en parlant d’engagement politique). Qu’en pensez-vous?
Faire le saut en politique est un choix personnel. J’ai choisi de m’impliquer dans cette campagne parce que je ne veux pas regarder le train passer. Il y a des choses qui se passent au Québec en ce moment. Je n’en reviens pas que les jeunes ne votent pas plus. Je n’en reviens pas que ce gouvernement soit toujours au pouvoir. Je me suis dit que je pouvais aider à changer ces choses. Les gens qui ont manifesté dans les rues veulent des résultats. Il y a un désir de changement dans la population et une réélection des Libéraux entraînerait une sorte de dépression chez les gens, un peu comme au lendemain de la défaite du référendum en 1995.

Il faut que la mobilisation donne quelque chose sinon, à défaut d’une victoire, ils ne voudront plus s’organiser et prendre part à la vie politique.

Il y a différentes façons de concevoir l’action politique. Je conçois l’action de façon pragmatique. On a un but et on fait ce qu’on peut pour s’en approcher. D’autres voient l’objectif comme un absolu à atteindre sinon rien. Je ne pense pas que ça peut fonctionner. On ne peut pas reprocher au gouvernement d’être intransigeant si on l’est tout autant.

Ne croyez-vous pas que vous manquez d’expérience pour vous lancer en politique, à 20 ans?
Je pense que, si on veut former une Assemblée nationale représentative de tous les Québécois, ça prend des gens d’horizon divers. Ça prend des jeunes, des gens plus âgés, des gens avec des origines, des convictions religieuses et politiques différentes. Si à l’Assemblée, il n’y a que des hommes blancs francophones catholiques de cinquante ans, ça ne représente pas tout le monde.

Quelle est la force de votre candidature?
Je tente de démontrer qu’il y a une place pour les candidatures atypiques en politique. Les gens ont parfois l’impression que la politique est l’apanage d’une certaine élite de la société. Un de mes objectifs est de briser ce moule.

Il y a une insatisfaction dans la société par rapport à la façon dont le Québec est géré actuellement. Peut-être que ça n’a pas toujours été exprimé de la manière la plus habile, mais je veux montrer qu’il peut y avoir un relais entre cette insatisfaction et les institutions bien établies. Je veux donner espoir.

Quel est votre point faible?
Je mise sur ma jeunesse, mais l’envers de la médaille est que je n’ai pas l’expérience des vieux routiers de la politique. Mais c’est pour ça qu’il y a 125 sièges à l’Assemblée nationale.

Quels conseils vous a-t-on donnés pour votre carrière en politique?
Le principal conseil que j’ai reçu est qu’il faut avoir des attentes raisonnables. Il y a des contraintes, il faut faire des compromis. Il ne faut pas penser arriver à l’Assemblée en croyant tout régler. On m’a aussi dit de ne pas me présenter avec uniquement ma cause des droits de scolarité. J’ai été visible par rapport à une cause, mais je veux surtout apporter un regard différent.

Mme Marois a confirmé que, si le Parti québécois était élu, vous ne seriez pas ministre. N’empêche, quel ministère vous intéresserait?
Ce qui m’intéresse à ce moment, dans ma vie, c’est de mettre des mesures en place pour que les jeunes se sentent impliqués dans l’appareil gouvernemental. L’éducation m’intéresse beaucoup et pas qu’au postsecondaire. Il faut contrer le décrochage scolaire. Mais je ne parle pas de ministère pour l’instant, j’ai encore beaucoup de croûtes à manger.

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Avec quel député d’un parti adverse iriez prendre une bière?
Les députés auxquels j’ai davantage parlé dans les derniers mois sont les Libéraux. J’ai beaucoup discuté avec Michelle Courchesne. Je l’aime bien. Je ne suis pas quelqu’un de rancunier. Entre les obligations partisanes et ce que sont vraiment les gens, il y a un fossé.

Et vous iriez prendre un verre avec M. Charest?
Oui, plus par curiosité. Pour comprendre. S’il est prêt à répondre à des questions sur le conflit étudiant, je suis prêt à écouter. Même si je ne suis pas d’accord avec plusieurs de ses politiques, je crois que Jean Charest et les gens qui se dévouent si longtemps à la chose publique ont des choses à dire. J’ai beaucoup de respect pour les gens qui font de la politique.

Avez-vous rencontré le maire de Laval, Gilles Vaillancourt?
Oui. Ce fut très cordial. On a discuté des enjeux importants à Laval comme la construction d’un amphithéâtre. Il y a un gros défi démographique aussi. La Ville accueillera 125 000 personnes d’ici 2030. Le transport représentera donc un défi.

Si vous êtes élu dans Laval-des-Rapides, déménagerez-vous à Laval?
Oui, je me suis engagé à y habiter.

Si vous n’êtes pas élu, continuerez-vous  à vous impliquer en politique?
Si les électeurs choisissent différemment, je retournerai aux études à temps plein. [NDLR: S’il est élu, il suivra tout de même quelques cours de droit]. Mais ça n’empêche pas d’avoir une implication politique active. Il y a des gens qui créent des organismes, c’est quelque chose que je pourrais faire. Mais pour le moment je me consacre à ma campagne.

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