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Surpopulation en prison: «c’est la jungle», raconte un ex-détenu

Un ex-détenu livre des commentaires édifiants sur la vie d'un prisonnier en cas de surpopulation carcérale. Photo: Archives TC Media

Alors que le centre de détention de Rivière-des-Prairies affiche un taux d’occupation largement supérieur à la capacité réelle de l’établissement depuis plus de 10 ans, un ex-prisonnier raconte «l’angoisse» et les «frictions» engendrées par la surpopulation carcérale.

Détenu à deux reprises à Rivière-des-Prairies, d’abord en 2002 puis en 2007 et 2008, David [un nom fictif] évoque une situation «difficile à vivre», notamment pour les nouveaux arrivants.

«Lorsque les cellules sont pleines, on place ces détenus durant une semaine ou plus dans le gymnase. Ils dorment par terre, sur un matelas, et ne peuvent se procurer de nouveaux vêtements. Ils doivent vivre avec ceux qu’ils portaient lors de leur arrestation», raconte celui qui a passé une quinzaine de mois dans l’établissement prairivois.

Une situation «humiliante»
«Une laveuse et une sécheuse sont disponibles, mais lorsque les gens lavent leurs effets, ils doivent se promener nu avec une serviette. Ce n’est pas agréable, même humiliant, reprend-t-il avant d’évoquer les cellules d’accueil. Il peut y avoir 10 personnes ou plus dans le même endroit avec une seule toilette au milieu, sans rideau. Parfois, il n’y a même pas de papiers pour s’essuyer.»

David, qui livre également ses commentaires dans un blogue depuis sa sortie de prison, évoque ensuite ces cellules d’environ 7 pieds sur 11, partagées par deux détenus, avant de décrire ce qu’il appelle «les condos», une pièce légèrement plus grande qu’il aurait connue pendant un mois, «avec un matelas posé sur le sol, où il y a trois personnes dans la pièce» et où il faut enjamber l’individu à terre pour «quitter le lit et aller à la toilette».

Une situation qui aurait court également dans l’établissement de Bordeaux. «On m’a raconté qu’on demandait à certains de prendre leur matelas pour dormir à terre dans une cellule, puis le lendemain, il fallait partir, changer de salle ou de secteur. Et ainsi de suite pendant plusieurs jours. Ce n’est vraiment pas drôle…»

Pour David, qui raconte son vécu dans un blogue, «on n'est pas préparé à vivre dans un monde normal.»
Pour David, qui raconte son vécu dans un blogue, «on n’est pas préparé à vivre dans un monde normal.»

Violence et situations dangereuses provoquées
Auteur du bestseller Tout le monde dehors et spécialiste du milieu carcéral, Yves Thériault confirme ces problèmes et mouvements incessants qui perturbent les pensionnaires de ces centres de détention.

«Il n’y a plus de place dans les prisons québécoises, et l’on place des détenus dans les infirmeries et des gymnases, affirme le documentariste. C’est un problème depuis le milieu des années 90, et cela peut entraîner de la violence et des problèmes dangereux.»

Pour illustrer ces propos, David raconte une journée «où six détenus différents sont venus dans ma cellule. Cela t’amène beaucoup de stress et si j’avais été quelqu’un de violent ou d’impatient, ça aurait pu mal finir.»

Comme lors de certaines périodes réservées aux repas, avec l’impossibilité de loger tous les prisonniers, explique-t-il. «Dans mon secteur, il n’y avait que 40 sièges pour 44 personnes, se souvient David. Il y avait fréquemment de l’intimidation. Les nouveaux, on leur disait de s’assoir dans l’escalier mais parfois, ils refusaient et ça engendrait des frictions.»

À Rivière-des-Prairies, le taux d'occupation était de 109% entre 2014 et 2015.
À Rivière-des-Prairies, le taux d’occupation était de 109% entre 2014 et 2015.

Réhabilitation difficile
Si Yves Thériault assure que cette promiscuité peut entraîner des obstacles pour la réhabilitation et la réinsertion des détenus, David se montre carrément virulent.

«C’est la jungle, décrit-il. On n’est pas préparé à vivre dans un monde normal. On développe de mauvais réflexes, on nous prive d’activités, voire de nourriture car il n’y a pas assez de gardiens ou de ressources pour tous les prisonniers. Cette surpopulation ne nous aide vraiment pas.»

Après avoir décroché un bac en informatique avant sa détention, David développe à présent des sites internet en tant que travailleur autonome. Il reconnaît néanmoins «avoir du mal à trouver un emploi» depuis sa sortie de prison.

Un taux d’occupation en diminution

Selon des données du ministère de la Sécurité publique, le taux d’occupation du centre de détention de Rivière-des-Prairies a diminué depuis qu’il a atteint un pic de 128% de 2007 à 2009.

De 125% en 2013, ce taux d’occupation atteint 109% pour une moyenne établie entre le 1er avril 2014 et le 31 mars 2015. Durant cette période, la population moyenne quotidienne était de 590 détenus, contre une capacité de 542 personnes.

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