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Le Don Quichotte des gènes

Photo: Isabelle Bergeron/TC Media

La quête du chercheur Carl Ernst se joue chaque jour à l’échelle invisible du génome humain afin d’identifier et d’éventuellement traiter des mutations génétiques à la source de troubles du spectre de l’autisme. Il espère d’ici cinq ans soigner au moins une d’entre elles, le syndrome de Kleefstra. Un rêve plus réaliste qu’on pourrait le croire, avec les avancées technologiques accomplies par son équipe dans la dernière année.

Pour arriver à tester des molécules qui pourraient éventuellement être utilisées pour développer des médicaments, le Dr Carl Ernst de l’Institut Douglas à Verdun doit utiliser des neurones afin de voir comment elles répondent aux traitements.

«Évidemment, on ne peut pas prélever de neurones dans le cerveau des enfants, alors on doit les créer nous-mêmes», explique-t-il comme si c’était aussi simple que de faire pousser des carottes.

Ce procédé est en fait extrêmement complexe. Les chercheurs partent de cellules de peau et d’échantillons d’urine, qui contiennent quelques cellules de rein, fournis par de jeunes patients autistes. Ils peuvent alors les isoler et les transformer en cellules souches, qui sont un peu comme des canevas de base, sans fonction précise.

Son équipe les fait alors pousser et isole celles qui deviennent des neurones en injectant un produit chimique qui les identifie et les colore en vert.

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Cette technique a été perfectionnée par Scott Bell, étudiant au doctorat à McGill et membre de l’équipe du Dr Ernst. Grâce à lui, ils peuvent maintenant créer des neurones de dizaines de patients en à peine deux mois alors qu’il fallait auparavant deux ans pour y parvenir pour un seul enfant.

C’est entre autres cette avancée qui permet à l’équipe d’espérer trouver un traitement pour au moins un trouble du développement d’ici quelques années.

Le médicament
Les troubles du spectre de l’autisme sont nombreux et très variés. Ils peuvent venir d’une mutation de pratiquement n’importe quel gène de l’ADN humain.

«Les gènes viennent tous en paire. Une moitié de la mère et l’autre du père. Quand il y a un trouble du développement, c’est qu’il manque une des copies. Alors ce qu’ils sont supposés produire ne l’est pas en quantité suffisante», précise le Dr Ernst.

Sa mission et celle de son équipe est donc de trouver parmi les 2000 molécules déjà approuvées par Santé Canada celle qui pourrait pallier à ce manque en stimulant la copie efficace du gène. Si elle se trouve dans un médicament existant, il ne reste qu’à tester ce dernier sur des patients volontaires. Sinon, il faudra trouver une compagnie pharmaceutique prête à s’associer avec eux pour le fabriquer.

En sauver au moins un
Il y a environ 200 enfants dans le monde qui sont atteints du syndrome de Kleefstra, suffisamment donc pour qu’il soit rentable pour une compagnie pharmaceutique d’en fabriquer le traitement.

La recherche sur les maladies rares est toutefois plus difficile à financer, puisque les gouvernements ne s’y impliquent que très peu. Les avancées dépendent entièrement des dons de fondations menées par les familles de personnes atteintes.

Mais pour Carl Ernst, travailler sur des troubles aussi rares est une motivation quotidienne. «Quand on travaille sur des maladies plus répandues comme le cancer, on finit par oublier que les échantillons qu’on analyse proviennent d’êtres humains. Nous, on a rencontré chacun de nos patients et leurs familles. On ne peut pas les oublier», précise-t-il.

Dans le cas précis du syndrome de Kleefstra, les personnes atteintes, en arrivant à la puberté, souffrent de psychoses et perdent complètement leur capacité à parler.

«Le désarroi des parents est immense quand ils réalisent que les 500 ou 1000 mots, qu’ils ont réussi à apprendre à leur enfant au bout de centaines d’heures de travail acharné, vont disparaître. Si on trouve rapidement, on pourrait peut-être arrêter ou au moins diminuer cette perte de mots avant qu’ils arrivent à cet âge, espère-t-il en pensant aux jeunes patients qu’il a rencontrés. Si je peux en sauver un, j’aurai réussi.»

Cet objectif peut sembler peu ambitieux, mais le Dr Ernst se bat contre la montre. Pour l’atteindre, il doit trouver une molécule qui fonctionnera avant que ces jeunes n’atteignent l’adolescence. Leurs parents fondent leurs espoirs sur lui.

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