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70 ans d’amour

Photo: Hugo Lorini/TC Media

C’est au tempo endiablé du jitterbug que la fabuleuse histoire de Joseph «Jos» Sauvé et Lucienne Biron a débuté. Leurs cœurs se sont mis à battre au même rythme pendant cette soirée dans la frénésie de l’après-guerre au centre-ville de Montréal en 1945. Leur complicité ne s’est qu’intensifiée avec les années.

Pour en arriver à célébrer des noces de platine, il n’y a pas vraiment de truc. Selon Mme Sauvé, il faut d’abord de la patience.

«Vous savez, ma femme m’embrasse encore tous les soirs avant qu’on aille se coucher. C’est pas peu dire, ça», sourit son mari, une étincelle dans l’œil. «Et puis, on s’attache à nos vieilles affaires», renchérit avec humour son épouse.

Se serrer la ceinture
Les premiers temps n’ont pas été faciles après leur mariage le 12 mai 1947, à l’église Saint-Germain d’Outremont. Le couple a trimé dur pour subvenir aux besoins de la petite famille.

Quand leur aîné Daniel est né, 13 mois après les noces, le couple a dû emprunter pour accoucher à l’Hôpital du Christ-Roi, devenu aujourd’hui l’Hôpital de Verdun.

«Les sœurs demandaient 50$ pour entrer. Avec les intérêts, ça nous a coûté 100$ au bout du compte. C’était beaucoup pour mon salaire de 40¢ de l’heure», souligne M. Sauvé, qui travaillait alors pour la compagnie Canada Packers, devenue Maple Leafs.

Les nouveaux parents se débrouillent tout de même assez bien. «Ti-bert, qui tenait un magasin de meubles au coin de Desmarchais et Wellington, a accepté de nous vendre une laveuse. Il avait été bien accommodant et avait accepté qu’on le paie sur plusieurs mois», se souvient Mme Biron.

Vaillants et débrouillards
Puisque les employés de l’usine alimentaire ne sont pas encore syndiqués et que les heures ne sont jamais assurées, M. Sauvé devient agent de police, puis pompier pour la Ville de Verdun.

«On était payés 28$ par semaine pour au moins 72 heures. Mais si un incendie se déclarait sur la fin de notre shift, on faisait du temps supplémentaire sans être payé plus», raconte M. Sauvé.

Pour arrondir les fins de mois, il fait des déménagements et travaille pour le salon funéraire Urgel Bourgie. Il cumule les petits emplois, un peu comme son père, cordonnier de métier, qui creusait aussi les rigoles le long des trottoirs à 6¢/heure pour le compte de la ville.

Mme Biron fait elle aussi beaucoup pour que sa famille ne manque de rien. Habile de ses mains, elle récupère les vieux uniformes de son mari pour en faire des pantalons pour les garçons et des jupes pour elle et sa fille. Elle fabrique même les premiers sous-vêtements de son aîné avec de la flanelle et des bandes élastiques achetées à rabais dans un magasin de l’avenue Mont-Royal.

Pendant l’Expo 67, j’avais arrangé toute notre maison de la rue Ethel pour louer des chambres aux touristes pendant que nous, on habitait dans le garage. On a reçu des gens des États-Unis, de l’Ouest, de l’Inde. Ça en faisait du lavage!
– Lucienne Biron

En ménagère économe, elle gère le budget en divisant chaque paie dans des petits pots de bébé récupérés, s’assurant qu’il y aura assez pour l’électricité, le loyer, l’épicerie.

«Ils nous ont vraiment appris à être autonomes et débrouillards, à ne pas craindre le travail, à passer à travers n’importe quelle épreuve», fait valoir leur fille Lyne qui, comme ses trois frères, a été employée de la boulangerie Rosaire dès qu’elle en a eu l’âge.

Vieillir ensemble
Lyne raconte aussi que les derniers temps ont été plus difficiles pour ses parents, surtout depuis l’arrêt cardio-vasculaire de son père, en mars.  Le couple a dû s’adapter, plus dépendant de l’aide de ses enfants, dont trois habitent Verdun.

«On s’arrange encore bien. Pour le ménage, je fais encore tout l’ordinaire, je popote beaucoup, je suis encore capable. Et puis mon mari m’aide», assure Mme Biron. Elle garde même son traditionnel ragoût de boulettes, bien qu’elle ne reçoive plus toute la famille à Noël depuis deux ans.

Les amoureux espèrent demeurer encore longtemps dans la maison qu’ils habitent depuis 40 ans.

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