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L’«Obamacare» en 5 questions avec Rafael Jacob

MONTRÉAL — Au Congrès américain, les républicains peinent à mettre la hache dans la loi sur la protection des patients et les soins abordables, principal legs de l’ex-président Barack Obama en politique intérieure. Revue des enjeux entourant l’«Obamacare» avec Rafael Jacob, chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand.

Pourquoi vouloir abroger l’«Obamacare»?
C’est une loi qui, pendant des années, était extraordinairement impopulaire auprès de la base électorale du Parti républicain. Les candidats et les élus républicains promettaient de l’abroger parce qu’il y avait quelque chose de très rentable politiquement à ça. Il y a aussi une composante idéologique. Les deux partis majeurs aux États-Unis — démocrate et républicain — sont opposés d’abord et avant tout sur leur vision du rôle que l’État devrait jouer dans la société. Et l’«Obamacare» représente une intervention très marquée de l’État fédéral, dans ce cas-ci, dans le domaine de la santé. La dernière raison est liée aux opinions divergentes par rapport aux meilleures façons de faire fonctionner le système de santé aux États-Unis.

Quelles mesures les républicains souhaitent-ils particulièrement abolir?
Idéalement, ce serait la totalité de la loi… mais c’est impossible! Lorsque les démocrates l’ont adoptée, ils avaient ce qu’on appelle une «super-majorité» avec 60 sièges sur 100. Selon les règles de fonctionnement du Sénat, les républicains ont une majorité de 52 sièges et donc ne peuvent pas abroger la totalité d’une loi adoptée par une super-majorité. Ce que les républicains essaient de faire présentement, c’est surtout de jouer au niveau de dispositions comme l’expansion de «Medicaid». Ils veulent restreindre ce programme gouvernemental (d’assurance maladie) pour les Américains considérés comme moins nantis, qui sous l’«Obamacare», avait été élargi à un bassin beaucoup plus large (de la population).

Pourquoi certains républicains opposent-ils une résistance aux efforts d’abrogation?
Vous avez des républicains plus modérés, comme la sénatrice du Maine, Susan Collins, qui trouvent que les efforts actuels pour renverser l’«Obamacare» vont trop loin. De l’autre côté, vous avez des républicains plus conservateurs, dont Rand Paul, du Kentucky, qui eux jugent qu’on conserve trop le squelette de l’«Obamacare». Les chefs de file républicains au Congrès essaient d’aller chercher des sénateurs réfractaires, mais ils sont réfractaires pour des raisons qui sont totalement opposées. Si on va chercher une frange, on risque d’en perdre encore plus de l’autre côté.

Quelle est la marche à suivre pour introduire une nouvelle réforme de l’assurance maladie?
La Constitution américaine est conçue expressément pour que ce soit difficile de légiférer. Tout projet de loi de la sorte doit forcément être approuvé à la fois par la Chambre des représentants et par le Sénat avant d’être signé par le président. Là où ça vient un peu plus complexe, c’est que la Chambre des représentants doit avoir adopté exactement le même texte que le Sénat — à l’alinéa près. Même si on finit par s’entendre au Sénat, le projet de loi va être différent. Un Comité de conférence du Congrès avec un certain nombre d’élus des deux chambres devra alors se rencontrer pour trouver un compromis. On soumettrait cette version à un vote final dans les deux chambres pour ensuite l’envoyer au bureau du président Donald Trump, et ça deviendrait loi.

Cette saga pourrait-elle ébranler l’administration de Donald Trump?
Le Parti républicain doit choisir le moindre de deux maux. L’«Obamacare» n’est pas particulièrement populaire, mais le plan de remplacement l’est encore moins. De l’autre côté, je soutiendrais que le risque politique est encore plus gros de ne rien faire passer. La révolte de la base électorale républicaine pourrait être vraiment considérable.

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Cette entrevue a été condensée.

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