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Cinq questions au créateur de Detroit : Become Human

Photo: Sony

À mi-chemin entre un film et un jeu vidéo, le thriller de science-fiction Detroit : Become Human est l’un des meilleurs jeux à avoir été présentés la semaine dernière au salon Electronic Entertainement Expo (E3). Entretien avec son créateur et PDG du studio français Quantic Dream, David Cage.

 

Maxime Johnson: Detroit : Become Human offre une multitude d’embranchements et de possibilités. Comment souhaitez-vous que les joueurs vivent cette expérience?

David Cage: Chez Quantic Dream, nous voulons créer des jeux dont vous êtes le héros, où l’histoire s’adapte aux choix du joueur. Chaque personne peut donc vivre sa propre histoire. C’est d’ailleurs un énorme travail d’écriture. Notre manuscrit fait 2000 pages, alors qu’un manuscrit de film en comporte généralement une centaine.

 

Ce que je suggère aux joueurs, c’est de jouer au jeu une première fois d’une seule traite, sans jamais revenir en arrière et en assumant toutes leurs actions, même si elles ont provoqué la mort d’un des personnages principaux de l’histoire très tôt dans le jeu. Ils pourront refaire le jeu par la suite s’ils le souhaitent pour explorer tous les embranchements, mais il est important de vivre la vraie expérience la première fois.

 

MJ: Pourquoi est-ce que les histoires que vous racontez se déroulent toujours aux États-Unis? (NDLR : David Cage a aussi écrit et réalisé Indigo Prophecy, Heavy Rain et Beyond: Two Souls)

DC: C’est une bonne question. Je me la suis d’ailleurs moi-même posée. Je crois qu’il y a deux raisons. Premièrement, à travers le cinéma et une certaine littérature, les États-Unis sont un peu devenus le théâtre du monde. C’est une espèce de terrain neutre, un décor que tout le monde connaît. Quand on veut raconter une histoire universelle, c’est le théâtre qui s’impose. J’ai aussi été fasciné très jeune par le cinéma américain.

 

Deuxièmement, c’est difficile d’écrire lorsqu’on est très près de son sujet. C’est intéressant d’avoir une certaine distance. J’aimerais beaucoup raconter une histoire qui se passe à Paris un jour, mais ce serait un genre différent. Une histoire d’amour, peut-être?

 

MJ: Pourquoi n’avez-vous jamais fait de suite à vos jeux? C’est très rare dans l’industrie.

DC: Si on n’a jamais fait de suite, c’est sûrement qu’on est un peu idiots! Plus sérieusement, on aime créer, découvrir et inventer. Quand on termine un jeu, on veut aller dans une nouvelle direction, et inventer autre chose. C’est ce qui nous motive.

 

On est 200 personnes chez Quantic Dream, mais on est une équipe passionnée, qui veut faire ce qu’elle aime.

 

MJ: Encore faut-il avoir la liberté de le faire! D’un oeil extérieur, peu de gros studios semblent avoir autant de libertés que vous. Est-ce le cas?

DC: Je ne connais en effet pas de studios dans le monde qui sont dans notre situation. On est indépendants, je suis le PDG de la société que j’ai fondée il y a 20 ans et on fait ce qu’on veut, avec des moyens AAA.

 

On a aussi une liberté créative totale avec Sony, qui nous fait confiance et qui nous laisse développer nos projets sans regarder par-dessus notre épaule. C’est vraiment une situation incroyable.  (NDLR: Detroit : Become Human sera lancé exclusivement sur la PS4 en 2018.)

 

MJ: Avez-vous déjà considéré ouvrir un studio au Québec?

DC: On a déjà été sollicités pour le faire, mais on a choisi de rester en France. Il a fallu avoir une discussion avec notre gouvernement par contre. On leur a montré qu’il y avait un exode des cerveaux français vers les studios du Québec, et que c’était un réel problème. On ne peut pas former des gens dans nos écoles et les laisser partir par la suite! J’ai d’ailleurs perdu il y a deux mois à peine quelqu’un qui travaillait sur la scène de Detroit qu’on a présentée au E3 cette année.

 

On a eu des discussions avec plusieurs gouvernements au cours des dernières années. On leur a dit : « voici le problème et voici les conditions offertes au Québec. Qu’avez-vous à proposer? Si vous ne faites rien, ce n’est qu’une question de temps avant qu’il n’y ait plus d’industrie du jeux vidéo en France et en Europe ». Certaines mesures comme des crédits d’impôts ont été instaurées, et ça nous permet de demeurer compétitif et de faire en France un jeu comme Detroit : Become Human.

 

Cette entrevue a été condensée et éditée.

 

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