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Le Davos de l’économie sociale

Chaque année, à Davos en Suisse, a lieu une rencontre des grands de l’économie de marché : PDG de multinationales, ministres des Finances, investisseurs, etc. Cette rencontre est devenue le symbole du libéralisme économique, le discours dominant de la planète. La thèse est plutôt simpliste et va comme suit : il faut être plus productif, plus efficient, augmenter les profits des entreprises privées et diminuer les dépenses publiques; ainsi on pourra consommer de plus en plus, ce qui stimulera l’économie… Et ainsi de suite.

On nous dit aussi que la «priorité» doit être la libéralisation de l’économie, puisque seule cette approche pourra résoudre nos nombreux problèmes sociaux.

Le hic, c’est que cette approche fonctionne pour distribuer des biens non-essentiels, comme les télévisions à écran plat, mais ne fonctionne pas si bien pour les biens essentiels comme la nourriture. Pendant que les canadiens se demandent s’ils vont changer de voiture ou aller au Mexique en vacances cet hiver, il y a 2 milliards de personnes sur la terre qui vivent en situation d’extrême pauvreté (avec moins de 2 $ par jour). Il y a aussi un milliard de personnes qui ne mangent pas à leur faim. Jamais dans l’histoire de l’humanité l’écart entre les plus riches et les plus pauvres n’a été aussi marqué.

Pourtant, l’économie est sensée être un outil au service des humains, une façon d’administrer la maison, comme signifie son origine grecque, oikonomía. Et comme l’explique si bien Riccardo Petrella, contrairement aux sciences naturelles, ce sont les humains qui ont inventé les règles de l’économie. Si elles ne fonctionnent pas, on peut les changer!

La semaine passée, nous avons peut-être franchi une étape en ce sens. Pour la première fois, le mouvement coopératif mondial s’est réuni. Initiative du Mouvement Desjardins, ce rassemblement portait, justement, un message et un regard plus humain sur l’économie. Et quel mouvement! Il existe aujourd’hui dans le monde 10 millions de coopératives qui emploient 100 millions de personnes et regroupent 1 milliard de membres. C’est une force économique incroyable, sous-estim��e et, ma foi, bien trop silencieuse.

Le principe d’une coopérative est premièrement de répondre aux besoins d’une communauté. Au Québec, le mouvement coopératif est né dans les campagnes d’une longue tradition d’entraide (pensez aux fermiers qui se rassemblaient pour reconstruire les granges incendiées). Comme mon grand-père, ces paysans étaient souvent très pauvres. Ils se sont regroupés pour reprendre le contrôle de la mise en marché de leurs produits et pour mieux gérer leurs finances.

La différence coopérative la plus importante est sans doute le contrôle démocratique : un membre, un vote. Bien que nous ne soyons pas assez nombreux à le réaliser, nous avons le pouvoir d’influencer les entreprises coopératives, ce qui est rarement le cas des entreprises privées. Vous pouvez voter sur le montant de la ristourne que vous accordera la Caisse populaire, mais vous n’aurez jamais un mot à dire sur le montant des profits des banques!

Aujourd’hui, le mouvement coopératif joue un rôle majeur dans l’économie québécoise. Desjardins est la plus importante institution financière et le plus grand employeur (40 000 employés) de la province. Le 5e employeur est la Coop fédéré, un réseau de quincailleries qui dessert les agriculteurs.

Évidemment, les coopératives n’ont pas le monopole du service à la communauté. Les organismes à but non-lucratif et les sociétés d’États ont le même but. Or, quand on ajoute les sociétés d’État, comme Hydro-Québec et la SAQ, ainsi que l’ensemble des organismes à but non-lucratifs, comme les hôpitaux et les milliers de groupes communautaires, on réalise qu’une grande partie de l’économie du Québec répond à des règles très différentes que celles du libéralisme économique.

L’économie sociale est un terme dont on ne parle pas suffisamment, mais qui englobe les entreprises sans but lucratif. Ces entreprises ont plus de chances de réussir que celles du milieu privé. Par exemple, le taux de survie des coopératives est deux fois plus important que celui des entreprises privées. Et quand avez-vous entendu parlé d’un hôpital ou d’une école publique, au Québec, qui faisait faillite? Pour ma part, jamais! Même constat pour les sociétés d’État.

Or, dans un contexte économique instable, comme on nous décrit le contexte actuel, ne devrions-nous pas investir dans des entreprises qui ont un taux de réussite élevé et qui créent des emplois durables? Si j’étais ministre des Finances, je ne mettrais pas tous mes œufs dans le même panier, mais j’en mettrais un bon nombre dans celui des coopératives, des organismes à but non-lucratif et des sociétés d’État.

Et comme le proposais le maire Labeaume de Québec, je soutiendrais la tenue du prochain Sommet des coopératives à Québec en 2014, de façon à ce que la Ville de Québec devienne le Davos de l’économie sociale… Ne serait-ce que pour faire, un tant soit peu, contre-poids au discours dominant.

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