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Le vrai sapin vert

Dans la dernière décennie, il fut de bon ton d’investiguer sur le nombre de kilomètres parcourus par un sapin artificiel fabriqué en Chine pour se convaincre de la supériorité écologique du sapin naturel, qui embaume nos maisons à l’approche de Noël. À la différence du simulacre d’arbre fait de composés chimiques, le conifère arraché aux forêts, lui, au moins, remplit sa mission d’arbre durant les 10 an­nées qu’il met à pousser, transformant le CO2 en air tout propre.

On a été rassurés. Noël n’allait pas être gâché par nos scrupules environnementaux, même si le sapin le plus écologique, en fait, est peut-être celui, en pot, qui sème la controverse dans une SAQ d’Outremont. Au fond, tout ce qu’on voulait, c’est se faire dire que couper un arbre pour son propre bonheur, c’est correct. Mais ne nous racontons pas d’histoires : Noël, même si on n’annonce pas de neige cette année, ne sera pas vert.

Entre les cadeaux qu’on s’offrira pour combler des désirs qui vont bien au-delà de nos besoins – à commencer par la machine à expresso pour paresseux qui produira à elle seule plus de déchets en un an que David Suzuki dans toute sa vie – et la dinde qui aura été engraissée pour que bombance soit faite, les nouvelles lumières de Noël achetées parce qu’apparemment, les ampoules à DEL, c’est mieux pour l’environnement, les ustensiles en plastique qu’on utilise parce qu’on n’endure plus de laver de la vaisselle quand on est plus de 10 personnes réunies, les emballages qu’on mettra aux poubelles parce qu’avec les facultés affaiblies, on aura oublié l’existence du bac de récupération, il n’y a plus grand-chose d’écoresponsable dans le fait de célébrer la naissance du petit Jésus en 2015.

Je ne dis pas ça pour m’assurer que vous passiez des Fêtes atroces à culpabiliser simplement parce que vous respirez de l’air. J’assume moi-même mon arbre coupé, orné de boules au goût du jour achetées chez IKEA. Mais chaque épisode d’autoflagellation apporte son lot de réflexions. Toutes ces choses que l’on inflige à la nature – et bien souvent à soi – par convention sont-elles vraiment nécessaires? Peut-on fêter Noël autrement?

Chez les Lussier, on a décidé depuis longtemps de limiter la surconsommation. Entre adultes, on se fait des cadeaux à la main, et on s’autorise même à se refiler de vieilles affaires qu’on ne veut plus. Comme bien des boomers, ma mère est passée à l’arbre artificiel, l’année où c’était ça qui était considéré comme écologique, mais on va se le dire, c’était surtout pour éviter d’avoir à ramasser des épines jusqu’au deuxième étage le 7 janvier. On a tout de même été incapables de priver les enfants de cadeaux. Comme si on projetait sur eux notre nostalgie des Noëls mégalomanes, où les offrandes formaient un imposant périmètre autour du sapin. Alors, on leur apprend le vrai sens de Noël dès leur plus jeune âge : l’amour, c’est… un BB-8 télécommandé ou, au pire, une mitraillette Nerf.

Mais bon, joyeuses Fêtes quand même!

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