Soutenez

Le féminisme tout libéral de Lise Thériault

 

Françoise Giroud disait que la femme serait l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on mettrait une femme incompétente. Alors que l’on vient de nommer une femme qui semble n’avoir aucune idée de ce qu’est le féminisme à la tête du ministère de la condition féminine, on serait tentés de croire que ce jour est venu, si ce poste était jugé important. Mais ça ne semble pas le cas.

Faut-il s’étonner que Lise Thériault se déclare «beaucoup plus égalitaire que féministe» ou qu’elle adopte une attitude de «vas-y fille t’es capable» face aux enjeux qui touchent les femmes? Pas tellement. C’est plutôt en ligne avec la définition d’un féminisme libéral qui se retrouve dans la bouche de plusieurs femmes privilégiées qui pensent qu’il suffit de dire aux autres : «Faites comme moi» pour qu’elles y arrivent. Un féminisme qui croit qu’une fois que les lois placent les hommes et les femmes en situation d’égalité juridique, libre à chacune de tracer sa destinée. Un féminisme qui ne tient pas compte des barrières structurelles et qui est convaincu que Jacinthe qui a grandi à Westmount et fréquenté les meilleures écoles a les mêmes chances que Noura qui a grandi dans Parc Ex et qui devait s’occuper de ses frères et sœurs parce que sa mère occupait deux emplois pour arriver. Un féminisme saveur girl power que l’on retrouve chez les Sheryl Sandberg et autres promotrices d’Effet A.

Ce n’est pas bien étonnant, donc, qu’une ministre libérale défende une forme de prise en charge libérale des femmes. Il est toutefois hautement problématique que la ministre sensée améliorer la condition féminine ne semble avoir aucune idée de kossé que c’est ça, la condition féminine. D’autant plus que les a priori qui sont sortis de la bouche de la ministre sont au cœur des conditions des femmes qui doivent être améliorées.

Que la ministre croit que quiconque peut faire sa place en le «décidant», que des quotas de femmes en politique mèneraient à «présenter des femmes pour présenter des femmes», qu’elle soit incapable de nommer une féministe inspirante, qu’elle soit convaincue que le féminisme appartient à une époque révolue car beaucoup de chemin a été parcouru déjà depuis les années 70, qu’elle refuse de se dire féministe, préférant plutôt l’égalité (comme si le féminisme était un mouvement pour la domination féminine), tout ça relève du fait que les femmes, même si elles le veulent beaucoup beaucoup beaucoup, n’ont pas les mêmes conditions que les hommes.

Ce qu’il y a d’ironique, c’est que le fait que la ministre Thériault ait choisi de ne pas se définir comme féministe et notre réaction à ce choix sont probablement, aussi, au cœur de ce qu’est la condition féminine. La marge de manœuvre des femmes en politique est beaucoup moins grande que celle des hommes. Ainsi, pas étonnant qu’une femme en situation de privilège hésite à se définir comme féministe. L’étiquette pourrait être connotée trop radicale, militante, impartiale. Un politicien qui se dit féministe, c’est cool. Une politicienne qui se dit féministe risque de se peinturer dans un coin.

Pourtant, après avoir vécu le double-standard de l’intérieur, il eût été tout à fait attendu que Lise Thériault nous revienne avec des convictions féministes.

Mais il n’est pas vraiment étonnant qu’encore en 2016, certaines femmes décident de collaborer à l’idéologie dominante, même si cela peut ne pas servir les intérêts de leurs consoeurs, de manière à préserver des privilèges qu’elles ont pour elles durement acquis. Faire preuve d’altruisme et d’empathie, qu’on décrit souvent pourtant comme des qualités féminines, fait aussi partie, semble-t-il, des privilèges masculins.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.