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J’ai magasiné une Apple Watch à Montréal et une Montblanc à Genève

Je n’ai magasiné que deux montres dans ma vie. La première à Genève au début mars et la seconde, vendredi à Montréal. Portrait de deux expériences différentes pour deux produits on ne peut plus distincts.

Arrivée

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Personne ne se bouscule au portillon lorsque j’arrive chez Montblanc, un vendredi matin à l’ouverture. La boutique au centre-ville de Genève est tranquille, avec trois employés, deux vendeurs et un garde de sécurité en civil, et un client, moi.

Sans vouloir offenser personne, Montblanc n’était pas mon premier choix pour magasiner une montre. La boutique Patek Philippe à quelques pas de là me semblait plus classique et aussi plus luxueuse, mais elle n’ouvrait pas avant 30 minutes, et mon avion n’allait malheureusement pas m’attendre en cas de retard.

La boutique Montblanc est assez petite, avec deux salles distinctes. Les montres et les autres produits, comme les crayons, sont principalement présentés au mur, derrière des vitres, mais aussi cachés dans des tiroirs. Après un délai d’usage pour me laisser le temps de regarder un peu, une dame m’aborde : « comment puis-je vous aider aujourd’hui? ».

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Je débarque à l’Apple Store Sainte-Catherine à Montréal un peu après midi le premier jour des commandes anticipées de l’Apple Watch. La boutique est pleine, sans être bondée. Ce qui frappe en fait, ce sont surtout les dizaines d’employés, dont six qui ne semblent présents que pour nous souhaiter bonjour à l’entrée.

Au premier étage, deux tables sont particulièrement bien entourées. La table de montre (au sens propre comme au figuré) où une trentaine d’exemplaires différents de l’Apple Watch sont présentés sous une vitre, et une seconde table, où les gens vont essayer la montre connectée d’Apple.

Ce ne sont pas les seuls changements apportés à l’Apple Store pour l’occasion. Un mur près de la table de montre permet de découvrir l’interface de l’appareil, et un autre, près de la table d’essayage, permet de passer du temps de qualité avec l’Apple Watch Edition en or.

Il faut un gros huit secondes pour qu’un premier employé d’Apple m’aborde.

« Est-ce que je peux vous aider? » On m’offre de me mettre sur la liste d’attente pour essayer l’Apple Watch, l’objet de ma visite. L’attente est de 5 minutes environ pour l’Apple Watch et l’Apple Watch Sport, mais de deux heures trente pour l’Apple Watch Edition en or. J’opte pour la première option.

Les présentations

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Je m’assois avec la dame à une petite table. « Vous voulez un peu de café? ». Non merci. J’attends l’ouverture du magasin depuis maintenant une heure, et je ne compte plus les expressos et les chocolatines ridiculement bonnes (et chères) que j’ai achetés en attendant. Je suis d’ailleurs soudainement heureux que les montres qu’on s’apprête à me présenter n’aient aucun lecteur de rythme cardiaque.

La dame me demande ce que je recherche. Je n’en ai aucune idée. En fait, je ne veux pas vraiment m’acheter de montre, je veux surtout en connaître un peu plus sur l’horlogerie suisse en prévision du lancement de l’Apple Watch.

« Quelles sont les dernières tendances dans le monde des montres? Quelle est la mode ces temps-ci? » Ma question la surprend un peu, et sa réponse me surprend davantage, même si elle est après-coup évidente. Ce qui est à la mode, ce qui est tendance, c’est la toute dernière collection de Montblanc, la Vasco de Gama. Évidemment.

Elle se lève et va me chercher un exemplaire. J’enlève mon manteau, je sens que ça va être long.

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On vient finalement me chercher en moins de 45 secondes. On me transfère d’un employé à l’autre, et j’aboutis avec une jeune dame au coin de la table d’essayage. « Avez-vous pensé à la montre que vous voulez essayer? On commence par deux bracelets, mais on peut en essayer plus par la suite », me lance-t-elle.

On rentre dans l’action immédiatement, sans présentations. Il faut dire qu’elle a de toute façon déjà mon nom et mon courriel dans son iPhone, deux informations qu’il faut fournir lorsque l’on prend son rendez-vous.

Je ne me sens pas vraiment bousculé, mais la limite de temps de 15 minutes pour essayer l’Apple Watch et l’Apple Watch Sport semble toujours présente au-dessus de ma tête, comme une épée de Damoclès. Le rythme lent de mon magasinage suisse du mois dernier est certainement chose du passé.

L’employée de l’Apple Store ouvre un tiroir devant elle, qui contient une bonne quinzaine d’exemplaires de la montre. Les deux qu’elle me sort sont éteintes. « On peut les allumer? ». Clairement, ce n’est pas la norme, mais l’employée acquiesce à ma demande. Je déchante toutefois un peu lorsque la montre s’ouvre sur un mode de démonstration qui n’est pas interactif. Le but ici est clair : les acheteurs sont à cette table pour essayer des montres, et non pour jouer avec elles.

Malgré cet objectif d’efficacité, faire plaisir au client et répondre à ses demandes est toutefois la consigne ultime de l’employée. Toutes mes questions ont donc été répondues : « Vous l’avez vue quand pour la première fois? Que faites-vous quand le 15 minutes arrive à échéance? » (Réponses : ce matin à 7 heures, et on invite poliment le client à prendre un second rendez-vous). Toutes mes demandes ont aussi été acceptées : « Est-ce que je peux enlever moi-même les maillons de ce bracelet? Est-ce qu’on peut aussi allumer celle-ci? » (Réponses : oui et oui).

Bref, on est vraiment ici à mi-chemin entre une expérience plus personnalisée et une expérience de grand magasin. Ce n’est pas Genève, mais je dois avouer que je suis quand même agréablement surpris.

Les montres

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On me présente 4 montres en tout, mais si j’avais voulu en voir 30, j’en aurais vu trente. Les montres sont carrément hallucinantes. Elles affichent la date, le cycle lunaire (la lune était en quartier ce soir-là), la position du soleil dans l’hémisphère sud et dans l’hémisphère nord, etc.

Toutes ces complications – le nom donné aux fonctions avancées de ces montres – sont le fruit de mécanismes complexes, montés à la main avec des engrenages à peine plus gros que le bout d’un crayon. Un travail de moine, qui peut prendre des semaines pour un seul appareil.

La montre que j’ai en ce moment au poignet est tout simplement superbe. Le bracelet en cuir de crocodile est élégant, et surtout parfaitement moulé à mon poignet. La montre est lourde, en partie à cause des complications, justement, mais il s’agit d’un poids rassurant plutôt que déconcentrant.

« Elle coûte combien? »

« Je ne suis pas certaine », me répond la dame d’un air légèrement désabusé. Dans le monde des montres de luxe, l’argent ne manque généralement pas aux acheteurs, et la question ne devrait pas être posée aussi tôt dans le processus.

Après vérification, la montre à mon poignet coûte un peu plus de 60 000 euros.

Ma tête penche un peu à gauche à droite, mes sourcils se lèvent, ma bouche fait un demi-cercle inversé. C’est ma face : « Ah oui, c’est le prix auquel je m’attendais, je ne suis pas du tout surpris et vous savez, de toute façon, je suis un habitué des montres qui coûtent le même prix qu’une mise de fonds pour une maison de ville. Je ne sais pas si je vais l’acheter, mais j’en prends bonne note. Et en passant, hier, je ne dormais certainement pas dans le AirBnB le moins cher de la ville ». Je ne sais pas si elle achète mon air peu impressionné, mais si ce n’est pas le cas, elle ne le montre pas du tout.

« J’ai une question, madame. Ils en font combien des montres comme celle-là? 100? 1000? 10 000? ». Je lui lance cette interrogation sur un ton anodin avec mon accent le plus québécois possible, un subterfuge pour l’encourager à me révéler les secrets les mieux gardés de son entreprise.

Ma ruse n’était finalement pas nécessaire, l’information est publique et inscrite dans le catalogue de la compagnie : 18. C’est peu. Plusieurs des montres qu’on me présente sont créées à 18 exemplaires, mais d’autres collections sont un peu plus grandes. 100, 200, 500 montres.

Dans tous les cas, on est loin des millions que prévoit vendre Apple.

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Ce n’est pas la première fois que j’essaye une Apple Watch, l’effet de surprise est donc passé pour moi. Je profite quand même de mon passage pour essayer les bracelets que je n’avais pas eu l’occasion d’enfiler lors du lancement de l’appareil le mois dernier à San Francisco.

Je suis agréablement surpris par les bracelets en cuir de l’Apple Watch. Ceux-ci sont confortables, et les différents mécanismes permettent de mettre sa montre facilement. Le bracelet en cuir aimanté est particulièrement ingénieux, mais son allure me plaît moins.

« C’est un cuir qui vient d’un petit village en Italie », me répond la vendeuse lorsque je lui pose des questions sur le matériel. Évidemment, la montre en tant que telle, elle, est plutôt assemblée en Chine, sur une chaîne de montage où des milliers d’exemplaires identiques se succèdent. Aucun rapport avec l’ouvrier dans son atelier en Suisse.

Je demande quelle montre semble intéresser le plus les gens jusqu’à présent. « L’Apple Watch Sport », me répond-elle sans hésiter. « Pour le prix, sans doute, mais les gens sont aussi surpris de la qualité du bracelet de caoutchouc. »

J’accepte l’argument monétaire, mais celui du bracelet, moins. Il est d’une douceur étonnante, certes, presque sensuel, mais la différence de qualité par rapport à la collection Apple Watch régulière est évidente.

Il faut toutefois aussi avouer que malgré une importante différence de prix, chaque montre offre les mêmes fonctionnalités : capteur de rythme cardiaque, interactions vocales avec l’assistant personnel Siri, communications originales entre propriétaires de la montre, etc. Il devient donc plus difficile de justifier l’importante dépense nécessaire pour passer de l’Apple Watch Sport à l’Apple Watch.

La fin

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Je resterais bien plus longtemps, mais j’ai déjà un bon retard sur mon horaire. Avant de partir, je pose la question à 449$ CAD à la vendeuse. « Dites donc, vous en pensez quoi, vous, de l’Apple Watch? »

La dame y pense un peu. Elle enlève ses gants blancs qu’elle porte pour manipuler les montres, et en enfile une seconde paire, imaginaire celle-là, pour peser ses mots. « Vous savez, je ne connais pas trop l’informatique. Mais une chose est certaine : si quelqu’un peut faire une bonne montre connectée, c’est bien eux ».

Elle ne poursuit pas sa réflexion plus loin, elle est trop polie pour ça. Mais le sous-texte est clair. Pour elle, une montre connectée, ce n’est pas une montre.

Je jette un dernier regard à ma montre de 60 000 euros et à la petite bouteille sur la table contenant des dizaines de minuscules engrenages pour montrer le travail de précision derrière la conception d’une montre du genre. Difficile en effet de la comparer avec l’Apple Watch.

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J’avais pour but de dépasser ma limite de temps de 15 minutes, pour voir comment l’employée gèrerait la situation. Après une vingtaine de minutes, elle ne montre toutefois toujours pas de signe d’impatience. Je pourrais attendre encore un peu plus, mais après avoir essayé une dizaine de bracelets, je commence à manquer de bonnes raisons pour rester, surtout que je ne veux pas trop la bombarder de questions.

Si j’avais vraiment voulu acheter une montre aujourd’hui, je serais probablement rentré à la maison pour y réfléchir un peu, et j’aurais pris un autre rendez-vous, pour essayer encore plus de bracelets, et pour réessayer encore les deux formats de montres. J’imagine qu’une bonne partie des acheteurs vont venir deux fois de la sorte, voire trois ou plus.

Même chose pour l’Apple Watch Edition, même si les 30 minutes allouées pour 8 modèles différents seulement sont amplement suffisantes pour décider quel bracelet et quelle couleur nous convient le mieux.

Juste avant de partir, je demande par curiosité quand est prévue la prochaine disponibilité pour essayer l’Apple Watch Edition. Le prochain rendez-vous n’est plus à 14h30 comme lors de mon arrivée 20 minutes plus tôt, mais à 19h30. Il n’est même pas 12h30.

La dame à Genève avait raison. Ce sont deux produits complètement différents.

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