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Se sucrer le bec comme dans l’temps

Photo: Getty Images/amana images RF

Parce que ce n’est pas tous les jours de l’année qu’on avait l’occasion d’en manger, les desserts occupaient jadis une place spéciale dans les repas des Fêtes. Empreints d’exotisme et concoctés avec des ingrédients «luxueux», ils permettaient de donner un caractère unique au réveillon. Découverte de classiques sucrés  des Fêtes d’antan ayant traversé les époques avec l’auteur Michel Lambert, spécialiste de l’histoire culinaire québécoise.

«Ce qu’il est intéressant de constater, c’est qu’à Mont­réal, après la conquête et l’arrivée des vagues d’immigrants, la ville a développé une forte personnalité métissée. Cela s’est transposé dans les desserts servis pendant la période des Fêtes», souligne Michel Lambert, auteur des cinq tomes de l’Histoire de la cuisine familiale au Québec.

Les desserts que nous cuisinons aujourd’hui pour nous sucrer le bec après le traditionnel repas de dinde sont donc un heureux mélange de recettes françaises, mais aussi des cultures britanniques (anglaise, écossaise, irlandaise), de la fin du XIXe siècle.

Pendant ses recherches, Michel Lambert a également constaté le caractère exotique de plusieurs aliments utilisés pour les concocter.

«Les desserts des Fêtes d’autrefois faisaient rêver et voyager. Ils contenaient du sucre importé des Antilles, mais aussi des oranges, des fruits confits et des alcools venus d’Europe», note Michel Lambert.

Ces ingrédients étaient d’autant plus précieux qu’on ne les retrouvait pas toute l’année dans les garde-mangers des familles montréalaises. «Noël arrivait après les récoltes. Les agriculteurs de la région allaient vendre leur production de l’année au Marché Bonsecours. Avec les sous amassés, ils pouvaient se procurer des fruits séchés comme des pruneaux, des figues, des raisins de Corinthe ou de Smyrne, mais aussi du chocolat, du sucre, de la cassonade, de la mélasse et des épices qui leur servaient à préparer leurs desserts du temps des Fêtes.»

Michel Lambert nous en décrit quelques-uns, servis naguère sur les tables montréalaises à Noël et qui y trouvent encore leur place aujourd’hui.

La bûche de Noël
«Comme les beignes et les croquignoles, la bûche de Noël est un dessert qui nous vient des Français. Ces derniers avaient, depuis le XVIIe siècle, comme tradition de faire brûler une énorme bûche dans l’âtre, le soir de Noël. Mais avec le temps, en France, comme au Québec, les poêles à bois ont remplacé les gros foyers et on a cessé d’y voir la grosse bûche brûler. Un cuisinier français a donc eu l’idée de transposer la tradition dans un gâteau, fait de génoise, roulée avec de la confiture de fraises des champs, recouverte de crémage au chocolat et décorée avec les éléments de la forêt afin de rappeler l’origine de la bûche.»

Les oeufs à la neige
Oeufs à la neige«Il s’agit également d’un dessert de Noël qui nous vient des Français. Comme les poules ne pondaient pas en hiver, on gardait les œufs pour les grandes occasions comme Noël. Avec les jaunes, on faisait un genre de crème pâtissière. On cuisait ensuite les blancs au bain-marie et on les déposait sur la préparation des jaunes. Les œufs à la neige étaient servis à Noël dans une immense assiette de 
25 cm de diamètre. C’était très spectaculaire comme dessert!»

La Mince pie
Mince Pies«La naissance de la recette de Mince pie daterait de l’an 1000 en Angleterre. C’est une tartelette salée-sucrée faite de bœuf haché, de suif de bœuf (gras autour des rognons), de fruits séchés hachés, de cassonade et d’alcool. À l’époque, on donnait à ce dessert une forme ovale et on recouvrait les tartelettes d’une couche de pâte afin de reproduire le landau de l’enfant Jésus 
dans la crèche.»

 

Le gâteau aux fruits
 «Toutes les cultures britanniques possèdent leur recette de gâteau aux fruits. Les Écossais, par exemple, utilisaient une plus grande variété de fruits dans leur recette, comme des oranges et des citrons confits, car ils étaient plus riches. La tradition contemporaine d’offrir des gâteaux aux fruits à la famille et aux amis durant le temps des Fêtes vient du fait qu’à l’époque, on offrait des tranches de gâteau aux fruits aux plus démunis à la guignolée.»

Le pouding de Noël

Pouding de Noël
«Le pouding de Noël, ou Plum pudding, est une recette britannique de pouding au pain à laquelle on ajoutait des fruits séchés qui avaient trempé dans l’alcool. La méthode traditionnelle de cuisson consistait à mettre le pouding dans une poche de coton qu’on attachait avec une corde solide. Puis, on remplissait à moitié d’eau chaude une marmite à anse. On attachait, à l’aide de la cordelette, le pouding à l’anse de la marmite de façon à ce que le pouding soit suspendu au-dessus de l’eau bouillante. On posait le couvercle et l’on mettait la marmite sur le feu pour faire frissonner l’eau pendant six heures. Il fallait bien surveiller le niveau de l’eau et en ajouter au besoin. On retirait le pouding de la poche à l’aide de deux grandes cuillères et on le mettait dans une assiette chaude. On l’accompagnait d’une sauce au caramel au beurre et à l’alcool. Avant de le servir, on fermait les lumières et on le flambait avec le même alcool que celui de la sauce», raconte Michel Lambert.

Voici la recette de Paule et de Magloire Bérubé, dénichée dans les archives de Michel Lambert:

Mélange 1
1 tasse de lait très chaud
1 tasse de chapelure de pain blanc

Mélanger le lait et la chapelure et laisser refroidir.

Mélange 2
4 œufs
1/2 tasse de sucre
1/2 lb de raisins secs enfarinés
1/4 lb de figues séchées coupées finement
2 oz de pelure de citron coupée

Battre les 4 jaunes d’œufs avec le sucre.

Incorporer au mélange no 1 avec les raisins, les figues, la pelure de citron et travailler le tout avec les doigts.

Mélange 3
1/2 lb de suif haché
(demander à votre boucher)
1/4 tasse de vin rouge
1 c. à thé de muscade
3/4 c. à thé de cannelle
1/4 c. à thé de clou de girofle
1/4 c. à thé de macis (fleur de muscade)
1 1/2 c. à thé de sel

Incorporer ce mélange
au bol précédent.

Préparation
Mettre le mélange de pouding dans un contenant couvert (pyrex, moule à pain, moule à pouding ou cul de poule), au-dessus d’un chaudron contenant une eau frémissante pour en faire un bain-marie, et faire cuire pendant trois heures.

[NDLR : Ajouter de l’eau au besoin, au fur et à mesure qu’elle s’évapore.]

Le service

«À l’époque, comme c’est encore la tradition aujourd’hui, on servait plusieurs desserts après le repas de Noël. On présentait souvent le dessert principal avec un plateau à trois étages garnis de biscuits, de carrés, de sucres à la crème et de macarons. Les riches Anglais de Montréal sortaient pour l’occasion leur cheddar ou leur stilton au porto, des fromages dans lesquels ils avaient fait un trou qu’ils avaient rempli de porto chaque jour de l’année. Au XIXe siècle, on accompagnait le tout de thé, et plus tard, on se prenait plutôt un verre d’alcool: une boisson forte pour les hommes, un vin sucré pour les femmes.»

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