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Une page blanche bien remplie

Photo: Yves Provencher/Métro

Une fois par mois, Métro propose, en collaboration avec le projet Alliés Montréal de la Conférence régionale des élus de Montréal (CRÉ), des portraits inspirants de Montréalais issus de l’immigration qui témoignent de leur parcours et de leurs succès.

«En matière d’immigration, je suis le pire exemple qui soit», prévient Florian Pradon. Sept ans après son arrivée à Montréal, il semble néanmoins avoir tiré son épingle du jeu.

Comme nombre de ses compatriotes français, Florian entre au Québec avec un permis vacances-travail (PVT). En 2007, il met les voiles depuis Paris, où il a grandi, attiré par l’Amérique du Nord et curieux d’une expérience de travail dans un contexte différent. Quatre années durant, il est choyé par des employeurs qui se chargent des formalités de renouvellement de son statut.

Après deux semaines dans la métropole et un paquet de candidatures en réponse à des annonces qui n’ont pas grand-chose à voir avec son profil, il décroche plusieurs entretiens. «Immigrer, c’est un peu se retrouver à l’état de page blanche, explique-t-il. Tant qu’à tout quitter, pourquoi ne pas tout recommencer ?» Après avoir fait sa maîtrise dans une école de commerce tournée vers la gestion en entreprise (une formation qui «mène à pas grand-chose et à plein de choses à la fois !»), il devient chasseur de têtes et consultant. À Paris, il mène une vie agréable et il est bien installé professionnellement. Choisir de quitter ce confort représente une quête de défi, incarnée par ces candidatures lancées un peu à l’aveugle.

Son flair de chasseur de têtes le conduit chez Manpower. «J’ai choisi l’équipe», dit-il. Dès l’entretien d’embauche, le courant passe. L’emploi est attrayant, mais c’est surtout la connivence qui guide sa décision. Son intuition ne le trompe pas: aujourd’hui, ces premiers collègues sont de proches amis. Florian n’erre pas longtemps dans des sphères professionnelles éloignées de son expérience. Après un passage chez 3Pod, il rejoint Nurun, sollicité par un de ses anciens collègues, entré dans l’entreprise montréalaise avant lui. Il y est d’abord chargé d’attirer et de retenir des talents, puis de conseiller les bureaux à l’étranger en matière
de recrutement.

Les années passent. Il noue des liens, s’attache à sa nouvelle vie: il est temps de prendre en main son statut administratif. «Les premiers temps, j’étais plus en mode exploratoire qu’ancré dans un mode de vie.» Avant d’entrer chez Nurun, il passe à côté d’une occasion d’emploi, faute de statut pérenne. «L’épée de Damoclès qui fait que si on n’obtient pas nos papiers, on peut tout perdre, je l’ai vécue.» S’il veut rester, il doit s’en donner les moyens, pas remettre ça aux bonnes grâces de ses employeurs.

Florian obtient sa résidence permanente en quatre mois, grâce au Programme de l’expérience québécoise (PEQ). «J’ai fait le fameux tour du poteau sorit en allant chercher ma carte de résident aux douanes de Saint-Bernard-de-Lacolle [son changement de statut d’immigrant devait être validé par un tampon de la douane]. C’était un 23 décembre: joyeux Noël !» Aujourd’hui, sa demande de citoyenneté en traitement, il se sent à la fois Québécois et Français. «Je ne peux pas nier ce que je suis en train de devenir et je ne peux pas non plus abandonner mon identité européenne.»

Mentor auprès de la Fondation Ressources-Jeunesse depuis trois ans, Florian donne au suivant. Il conseille de nouveaux arrivants en leur transmettant le message que faire sa place est possible. «Le défi de l’immigration réside dans l’équilibre entre adaptation et préservation de son identité. Souvent négligée, l’intégration sociale est pourtant le point d’ancrage.»

A-t-il vécu le déracinement, lui dont le départ résulte d’un libre choix ? À cette question, il répond plutôt que le prix à payer, pour lui, est de voir ses amis d’enfance installés dans une vie de famille qu’ils ont bâtie pendant que lui se forgeait une nouvelle identité. L’ancre est à présent jetée ici, à Montréal. Sur la page autrefois blanche, Florian esquisse de nouvelles racines.

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