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Jocelyne Robert: Sexe, jeunes et société

Le sexe est partout, selon la sexologue Jocelyne Robert. Dans l’internet, la mode, la musique et
même dans les publicités de yogourt. Résultat: le sexe est devenu pour les jeunes un objet de consommation et surtout, il est banalisé.

Est-ce que le sexe prend trop de place dans la société?
Je ne pense pas que le sexe prenne trop de place. Je pense que le sexe qui est largement diffusé prend trop de place, soit le sexe de consommation, très utilitariste et très violent. La diffusion du viol de la jeune fille en Colombie-Britannique dans Facebook, c’est du sexe qui prend de la place, mais c’est de la merde. C’est un modèle sexuel qui est loin de l’humanisme, de l’égalité, du consentement et du plaisir partagé.  Actuellement, il y a très peu d’images, de messages ou de propos sur la sexualité qui viennent rivaliser avec ce modèle.

Lorsqu’il est question de sexe, la société est-elle trop moralisatrice avec les jeunes?
Moralisatrice, je ne pen­se pas. Parler de respect, de dignité, de consentement, de réciprocité, ce sont des valeurs morales humaines. Ce ne sont pas des valeurs associées à la religion ou à une notion d’interdit.

Que font les jeunes d’aujourd’hui que leurs parents ne faisaient pas?
Tout. Ce qui est différent, c’est qu’à l’époque de la révolution sexuelle et de l’amour libre, il y avait des valeurs porteuses très humaines : l’égalité des femmes, le respect mutuel et le droit au plai-sir. Les filles d’aujourd’hui se soumettent à toutes sortes d’affaires pour faire plaisir aux gars. Elles diront qu’«une partouze, baiser à trois pour faire plaisir à son chum, il y a rien là». Leurs propos ne vont pas en profondeur. Et je ne les blâme pas. Un adolescent, c’est de la cire chaude. Il est très malléable devant ce qui domine comme valeur, et ce qui domine, c’est cette sexualité très consumé-riste, très utilitariste.

Comment expliquez-vous cette sexualité de consommation et cette banalisation du sexe?
Je pense qu’on explique cela par des phénomènes nouveaux qui ont émergé depuis 10 ou 15 ans et qui touchent tous les univers. Ça a donné une mondialisation du sexe et une médiatisation du sexe à travers différentes dimensions comme la mode, la musique, les chansons. Tout est sexuel. Quelqu’un me faisait remarquer récemment que la fille dans une pub de yogourt à la télévision semblait faire une pipe tellement elle se lèche les babines. Il y a un message sexuel implicite quasiment partout.

Le portrait que vous dressez des jeunes et de la société est très sombre. Y a-t-il une note d’espoir malgré tout?
Il n’est pas si sombre. Quand je vais rencontrer des groupes de jeunes, je constate qu’ils sont ouverts à en parler. Ils sont réceptifs. C’est sûr que si on arrive en disant que le plaisir est interdit, ça ne passera pas. Il faut reconnaître leur capacité à faire des choix. Les jeunes, c’est un terreau qui est prêt à recevoir des messages. À nous d’agir.

Croyez-vous que les cours d’éducation à la sexualité feront un retour dans les écoles?
Oui. J’ai confiance. Je travaille fort là-dessus et je ne suis pas seule. Je harcèle ceux qui me suivent sur Twitter pour qu’ils aillent dans le site de l’Assemblée nationale signer la pétition pour le retour des cours d’éducation sexuelle à l’école. L’éducation sexuelle est là pour développer le consentement, la dignité, les rapports égalitaires, le sens critique. Il y a beaucoup d’initiatives dans ce sens actuellement, mais ce n’est pas proportionnel à cette déferlante de cul «mur-à-mur».

La sexologue Jocelyne Robert est l’auteure des livres Full sexuel et Parlez-leur d’amour et de sexualité (Éditions de L’Homme). Elle écrit également un blogue, lesfemmesvintage.com, et elle est active sur Twitter.

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