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L’amnésie numérique: j’oublie, donc je suis

Handsome man sitting on sofa with big headache Photo: Métro
Wanise Martinez - Metro World News

Phénomène. Trop se fier à son téléphone, à sa tablette ou à n’importe quel autre objet techno pour conserver les informations qui nous sont utiles affecte notre capacité à les mémoriser. Faut-il s’en inquiéter? Métro se penche sur la question.

De nos jours, il suffit de quelques clics pour trouver l’information dont on a besoin sur l’internet. Ainsi, exercer sa mémoire devient de plus en plus inutile. C’est ce qui cause, selon une étude publiée en juillet dernier par la firme de sécurité Kaspersky Lab, le phénomène de l’amnésie numérique, qu’on pourrait définir comme la tendance à oublier de l’information pourtant essentielle une fois qu’on l’a enregistrée sur ses appareils intelligents.

Toujours selon cette étude, réalisée auprès de 6 000 personnes de 16 ans et plus vivant en Europe, 60 % des adultes interrogés connaissaient par cœur, à l’âge de 10 ans, le numéro de téléphone de leur domicile. Or, aujourd’hui, pas moins de 51 % des répondants ont dit ne pas connaître leur numéro de téléphone de bureau, et 53 % se sont dits incapables de composer de mémoire le numéro de leurs enfants. Qui plus est, un tiers des personnes interrogées ont affirmé ne pas savoir le numéro de leur partenaire; 36 % ont dit devoir chercher sur l’internet pour se rappeler diverses choses importantes, et 24 % ont affirmé qu’elles oubliaient une info trouvée sur le Net aussitôt qu’elle ne leur était plus utile.

Certains observateurs nuancent toutefois ces chiffres. Selon eux, les appareils intelligents ne détruisent pas notre mémoire; ils modifient simplement ce que nous choisissons de nous rappeler. «Si nous savons que l’information recherchée est disponible sur le Net, pourquoi perdre de l’énergie à nous en souvenir? lance Maria Wimber, spécialiste des neurosciences et responsable des études sur la mémoire à l’université de Birmingham, au Royaume-Uni. En réalité, on pourrait même dire que l’arrivée des nouvelles technologies nous a permis d’utiliser nos capacités cérébrales plus efficacement, puisque nous pouvons enregistrer sur nos appareils toutes sortes d’informations relatives à notre quotidien qui, autrefois, nous distrayaient ou occupaient notre cerveau.»

«L’internet peut remplacer en partie notre mémoire “sémantique”, qui enregistre de l’information et des faits aujourd’hui faciles à retrouver en ligne, poursuit Mme Wimber. En revanche, aucun ordinateur ne pourra remplacer notre mémoire “épisodique”, qui retient tout ce qui concerne notre propre vie et les événements qui nous ont marqué. Le seul véritable problème, c’est que si nous confions à nos appareils intelligents tous nos souvenirs sous forme de photos, de vidéos et d’informations diverses, nous avons tendance à prêter moins d’attention aux événements importants qui se produisent autour de nous. Et à la longue, nous perdons un peu de notre capacité à nous les rappeler.»

«L’effet Google»?
Selon l’organisation de recherche scientifique Sintef, 90 % de toutes les données qui existent présentement dans le monde ont été créées au cours des deux dernières années. Cette augmentation exponentielle de l’information disponible a le défaut de ses avantages. «Nous faisons appel constamment à notre mémoire, et c’est spécialement vrai dans cet univers où tant d’information est disponible. Mais bien sûr, si nous ne faisons pas l’effort de mémoriser quoi que ce soit, notre capacité à nous souvenir finira par diminuer», prévient Kathryn Mills, chercheuse à l’Institut des neurosciences cognitives de Londres.

Il faut donc prendre la peine de réfléchir à l’utilisation que nous faisons de la technologie dans notre quotidien, insiste la chercheuse, et choisir de poser les gestes qui nous semblent opportuns, selon nos besoins. «Si vous avez appris quelque chose de nouveau qui vous semble intéressant et pertinent, prenez le temps d’y réfléchir quelques instants. Il est tout à fait possible de garder notre cerveau alerte, mais il faut y consacrer des efforts.»

Oublier n’est pas toujours une mauvaise chose!
Comme le notent plusieurs experts des neurosciences, le fait de pouvoir oublier, dans l’ère numérique où nous sommes plongés, s’avère parfois une bénédiction. Des scientifiques de l’Université de Bâle, en Suisse, se consacrent à des recherches visant à montrer que le cerveau a besoin de se débarrasser d’informations jugées peu importantes pour rester efficace. Ils ont même isolé la molécule responsable de la structure et de la fonction des synapses dans le cerveau – la protéine Musashi (msi-1) – et cherchent à savoir si certaines maladies mentales graves pourraient être attribuables à une difficulté du cerveau à se défaire de l’information inutile qui l’encombre.
«Oublier est parfois très utile et peut même être une preuve d’adaptabilité du cerveau, estime Maria Wimber. Cela libère des ressources pour traiter de nouveaux souvenirs.» En revanche, si une personne constate qu’elle a tendance à oublier des faits récents, tout particulièrement des événements qui concernent sa vie personnelle, elle devrait consulter un médecin pour savoir si cette difficulté révèle un problème de santé.

Métro a demandé à des experts comment éviter l’amnésie numérique.

  • Repassez fréquemment les souvenirs dans votre tête.
  • Faites l’effort de revoir le fil d’événements récents, lorsque vous venez de les vivre ou de les apprendre.
  • Faites un effort conscient pour mémoriser les numéros de téléphone que vous utilisez fréquemment, sans consulter vos appareils intelligents.
  • Assurez-vous d’avoir de bonnes nuits de sommeil réparateur.
  • Procédez à l’occasion à une petite cure de désintoxication des gadgets technos.

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