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Le côté noir de la force

Il importe de s’arrêter après coup pour réfléchir aux réactions qu’ont suscitées les paroles prononcées par le sénateur Boisvenu la semaine dernière, car elles révèlent des aspects inquiétants de notre société.

Rappelons ce que le sénateur a suggéré : les assassins devraient disposer d’une corde dans leur cellule afin de décider eux-mêmes de leur sort.

Ses excuses, qui n’en sont pas, l’ont enfoncé davantage, car il a voulu préciser qu’il ne visait les cas irrécupérables, qu’il n’aurait pas dû parler de corde, mais laisser une variété de moyens; il a même ajouté que des centaines de citoyens lui avaient écrit pour l’appuyer.

Il y a de quoi frémir quand on entend parler de rationaliser les coûts d’une vie humaine. Cette pente glissante qui veut attribuer une valeur économique à l’être humain, certains économistes l’ont déjà prise. Leurs calculs favorisent étrangement les riches et les puissants pour fustiger les pauvres, les mala­des et les vieux, pour ne pas dire les vieux malades et pauvres, car les bien nantis sont vite rangés parmi les productifs.

Il y a bien une société au XXe siècle qui a proposé de rationaliser les dépenses liés aux improductifs : ainsi, on a voulu éliminer les malades mentaux, les handicapés, puis ce furent les Roms, les Juifs, les homosexuels, les communistes… Il n’y a pas de frontière entre les droits humains. Quand on commence à se demander si un type de personnes coûte cher, on entre dans le chiffre et on quitte l’humanité.

Les personnes qui cherchent des arguments rationnels pour éliminer les indésirables en trouveront toujours. Et elles verseront dans le côté sombre de la force. On commence par se demander si les condamnés pour certains types de crime ne devraient pas être exécutés, puis on se dit que les vieillards débiles sont encombrants, que les itinérants nuisent au commerce, que les handicapés ne sont pas assez productifs et, finalement, que les défenseurs des droits humains sont des empêcheurs de tourner en rond.

De ces deux maux, aucun n’est le moindre : ceux qui rêvent de vengeance et souhaitent la mort des criminels ne se rendant pas compte qu’ils ne font pas mieux que les assassins;  ceux qui calculent froidement comment réduire l’improductivité de leurs semblables et qui réduisent l’humain à un chiffre.

– Francis Lagacé

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