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Un entonnoir sur chaque crâne

Mes hommages. En début de semaine, je suis allée m’échouer dans une salle de cinéma pour me refroidir le cuir et me nourrir le cortex d’une bonne histoire. Me divertir, aussi. En buvant un gros Coke. Mais j’étais loin de me douter qu’on me servirait ce divertissement dans une grosse cuiller avec de petites ailes d’avion, dirigée lentement vers mon casseau avec sparages et bruits de pets de boeing pour stimuler ma déglutition.

En effet, avant même que le film ne débute, on nous prend plus que jamais en charge. Vous avez sans doute déjà assisté à l’enlevante programmation pré-film où un charismatique animateur nous mitraille de questions quiz sur la couleur du protège-dessous de Nicole Kidman ou le nombre de fois où Robert De Niro s’est inséré la tige dans un fruit exotique.

Tout dépend, bien entendu, de la marquise sous laquelle vous décidez d’aller voir votre vue, mais celle que j’avais élue a audacieusement statué que toutes les personnes qui mastiquent du popcorn dans ses salles écrasent chaque grain à l’aide de leurs gencives meurtries et d’une vague incisive gâtée, la dentition n’étant qu’un tendre souvenir de la petite école qu’elles ont dû quitter pour faire le train à sept ans. Des entonnoirs posés sur la tête à perte de vue. Quelques casquettes à hélice. Certains crânes maintenus à la verticale par des tuteurs. Un public de bons yâbes à qui il est parfois utile de rappeler de ne pas se mettre la tête dans le four.

Avant la projection, ces petits questionnaires spring spring sont chose du passé. On nous pose maintenant des questions plus simples. Plus personnelles. Qui nous permettent de briller à l’écran. Ainsi, à l’aide de mon téléphone intelligent, je pouvais entre autres classer les affiches du film L’Ère de glace par ordre de préférence, sous les ordres d’un empathique narrateur qui s’adresse à nous très, très lentement. Et, ce qui est fantastique, c’est que toute la salle peut participer. Et toute la salle peut savoir ce que moi, l’entonnoir de la septième rangée, je préfère (l’écureuil au gros gland).

Captivés par l’audacieuse pluie de questions sur mes goûts en matière de bonhommes, de pogos et de justaucorps de Dolly Parton, on nous annonce la suite du programme: «Le moment est idéal pour une course de doigts», une course où chaque cinéphile est invité à parcourir un labyrinthe avec son index plein de beurre et à en trouver la sortie avant les autres péquenauds dans la salle, le tout narré par ce bon prince qui connaît les périls de l’apnée. Le tout est suivi d’une pub de char où on me rassure sur le fait que les mains ne sont désormais plus requises pour ouvrir une portière et que mon carrosse se parquera seul en cas de strabisme inopiné.

Vous comprendrez ma déception quand j’ai constaté que personne ne répondait à mes appels incessants le moment venu de venir m’aider à m’essuyer la rondelle sur le petit pot de la Paramount. Qu’on me prenne en charge ou qu’on me pique.
La bise.

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