Entendre les battements d’un cœur pour la première fois. Pour certaines, il s’agit d’un instant rêvé. Pour d’autres, il s’agit plutôt d’une obligation. Aux États-Unis, 14 États obligent les femmes à se soumettre à une échographie avant d’obtenir un avortement. Dans trois de ces États – Louisiane, Texas et Wisconsin – les femmes n’ont pas le choix: elles doivent écouter le cœur. Dans les 11 autres, elles peuvent refuser. L’objectif avoué de ces lois? Modifier la décision des femmes. Or, en Iowa, les législateurs veulent rendre ce moment encore plus lourd de sens: si un battement de cœur est détecté, l’avortement ne peut avoir lieu.
Cette volonté de restreindre l’avortement aux États-Unis existe depuis la décision de la Cour suprême dans l’affaire Roe v. Wade, en 1973. Ce jugement a rendu légal l’avortement dans tous les États, mais a laissé la possibilité à ceux-ci d’encadrer la pratique, si les lois adoptées sont dans le «meilleur intérêt de la femme». Jouant sur cette disposition, nombre d’États conservateurs ont adopté des restrictions à l’avortement: période d’attente de 18 à 72 heures entre une première consultation et l’avortement; signature d’une autorité parentale pour les filles de moins de 18 ans; obligation pour les cliniques de se conformer à des normes chirurgicales et d’obtenir un privilège d’admission dans un hôpital; absence de couverture publique des frais…
De 2011 à 2016, ce sont 334 restrictions qui ont été adoptées et mises en vigueur (Guttmacher Institute), entraînant la fermeture d’un nombre important de cliniques. Dans six États, il ne reste qu’une clinique ouverte – certaines femmes devant parcourir près de 500km pour obtenir un avortement. Les obstacles à l’accès à l’avortement dans certains États sont tels que la question du droit effectif se pose: les femmes peuvent-elles réellement se prévaloir de leur droit à l’avortement?
En Iowa, si la loi signée par la gouverneure est appliquée, un battement de cœur est tout ce qu’il faudra pour refuser à une femme son droit au choix. La mise en œuvre de cette loi ne sera pas immédiate: des contestations judiciaires se préparent. Mais les législateurs ne sont pas idiots. Ils savent que ces contestations auront lieu, et c’est exactement ce qu’ils veulent. En adoptant des lois aussi restrictives, les législateurs anti-choix veulent certes éroder le droit des femmes au niveau local, mais le but ultime est l’abolition du droit partout aux États-Unis. Et tant qu’une loi pouvant remettre en cause le fondement même de Roe v. Wade n’atteindra pas la Cour suprême, les chances de voir ce jugement être renversé – et l’avortement criminalisé – sont inexistantes. À quelques mois du 45e anniversaire de Roe v. Wade, l’avenir du droit des femmes à contrôler leur corps n’a jamais été aussi incertain.