Une résidante de Montréal, Mariclaude Ouimet, se dit choquée par la position de Projet Montréal qui exige le retrait de la devanture en bois du restaurant Khyber Pass qui attire le regard des passants, sur le Plateau-Mont-Royal. À ses dires, le parti de la mairesse Valérie Plante tolère pendant ce temps «des dizaines de façades» qui conservent «leur même air morbide à la limite de la pollution visuelle».
«Je suis choquée par […] la démolition d’une façade aussi dynamique, appréciée des clients et des riverains, qui puise son air coquin et original dans les racines afghanes du propriétaire», a-t-elle lancé dans une déclaration envoyée à Métro en début de semaine.
Celle qui demeure dans la circonscription d’Outremont allègue que le seul tort du propriétaire de Khyber Pass, Faruk Ramisch, aura été, «en toute bonne foi», d’entreprendre des travaux de qualité sans permis municipal. «[Il] a, en conséquence, payé une imposante amende», a-t-elle dit à ce sujet.
Aux dires de Mme Ouimet, la Ville règne «en roi et maître» sur le Plateau-Mont-Royal depuis 2009, pendant que ces neuf dernières années, plusieurs autres façades pourtant moins reluisantes ont été tolérées par l’administration de la circonscription.
«Projet Montréal fait preuve d’une incroyable tolérance quant à l’application de ses critères architecturaux envers la frange sectaire de son électorat.» -Mariclaude Ouimet
Elle s’oppose ainsi à l’argument du cabinet du maire de l’arrondissement, Luc Ferrandez, dont le cabinet avait affirmé la semaine dernière, dans Métro, que les règles architecturales visant à protéger le patrimoine bâti et le paysage de rue «s’appliquent à tous, sans exception».
Sur la plateforme de Care2, le restaurant Khyber Pass a d’ailleurs invité ses adeptes à soutenir une pétition en ligne contre la volonté de la Ville de retirer sa devanture. «Plusieurs personnes se questionnent sur la légitimité des lois puisque la majorité des gens sont en faveur de la sauvegarde de cette façade qu’ils considèrent unique et magnifique, dit-on sur le site web. Nous aimerions qu’il y ait d’autres solutions envisageables.» 1866 signatures avaient été amassées en date de mardi.
La Ville veut bien se faire comprendre
Joint par Métro pour réagir à cette sortie, le porte-parole du cabinet de Luc Ferrandez, Sébastien Parent-Durand, a expliqué que les citoyens impliqués dans cette affaire doivent comprendre la manière de faire pour réguler et déposer une demande de permis en vue de la construction d’une façade.
«Il faut voir que tout le monde a le droit de déposer un projet particulier et d’en faire une évaluation qualitative, a-t-il indiqué. À ce moment-là, on peut déroger aux normes habituelles de l’arrondissement. Autrement dit, si des façades commerciales dérogent aux règles, c’est que ces gens-là l’ont fait dans les règles de l’art, et qu’ils en ont obtenu le droit. C’est ça la façon de faire.»
La faute du restaurant Khyber Pass revient, selon lui, à être allé de l’avant avec la construction de sa façade «pour ensuite demander un permis», ce qui ne constitue pas le bon cheminement à adopter selon lui.
«On pourrait très bien faire le tour du secteur à pied pour commenter toutes les devantures, mais il y aurait une grosse part de subjectif. Ce qui plaît au voisin ne plaira pas au suivant. D’où la nécessité de demander un permis. Quand les travaux sont faits sans une approbation, les règles sont bel et bien les mêmes pour tout le monde.» -Sébastien Parent-Durand
Quand un chantier est effectué «en toute légalité», l’arrondissement n’a aucun moyen de sévir contre la construction d’une façade ou de toute autre installation sur un commerce ou une résidence privée. «Là est la nuance, a-t-il conclu. Il faut vérifier auprès de la Ville. Nous, on ne peut pas rentrer dans ce jeu de faire le tour des devantures de tout l’arrondissement. Malheureusement, ce n’est pas comme ça que ça marche.»
Le porte-parole a également réitéré que son administration a multiplié les tentatives «de bonne foi» depuis 2009 pour accompagner le propriétaire de Khyber Pass, Faruk Ramisch, dans une recherche de solutions correspondantes avec le Règlement sur les plans d’implantation et d’intégration architecturale (PIIA).
Ladite politique s’assure qu’un nouveau projet «s’intègre à son milieu» et prévoit une évaluation qualitative par le comité consultatif d’urbanisme (CCU). «Les plans s’appliquent à l’ensemble du territoire», selon un document de l’arrondissement disponible sur la Toile.
Rappel de l’historique du conflit
Printemps 2009: La façade est construite devant le restaurant sans permis.
Juin 2009: Date à laquelle l’arrondissement affirme avoir prévenu pour la première fois le propriétaire qu’il devait obtenir un permis de travaux.
Octobre 2009: Dépôt d’une demande de permis pour la façade par le restaurant. Le comité consultatif d’urbanisme recommande le refus du projet quelques jours plus tard, ce qui sera fait par le conseil d’arrondissement en avril 2010. Un mois plus tard, le propriétaire dit vouloir trouver une «solution architecturale».
Décembre 2010: Le dossier est transféré aux tribunaux. Le propriétaire sera reconnu coupable en novembre 2011, selon les informations de la Ville.
Février 2012 – Juin 2017: Plusieurs constats d’infraction sont émis par la Ville, mais la façade demeure toujours en place. Le propriétaire est trouvé coupable par les tribunaux une seconde fois.
Juillet 2018: Une entente est signée entre le propriétaire et la Ville pour s’engager à refaire une façade qui respecterait le règlement.