Cela fait maintenant 42 ans que Michel Caron s’applique à entretenir le cimetière catholique de Lachine, aux abords de la Maison mère des Sœurs de Sainte-Anne. Cette longue carrière à creuser des fosses pour les défunts lui aura permis d’accompagner bon nombre de résidents à travers le deuil.
Nous sommes à la veille de novembre, ce qui est souvent qualifié de «mois des morts». Même si elle est souvent redoutée et incomprise, la mort reste une étape importante de la vie, selon M. Caron. Il a d’ailleurs, durant ses années de service, agi à plusieurs reprises à titre de guide pour les familles en peine.
«Il y a beaucoup de gens qui ne sont pas à l’aise avec le concept de la mort, indique l’homme de 65 ans. Certains se retrouvent seuls et ça arrive assez souvent qu’on doive les aider, car ils viennent et ne savent pas toujours quoi faire.»
Il considère que le métier de fossoyeur exige bien plus que de participer aux inhumations des corps. En effet, ce dernier requiert une forte conscience sociale et nécessite de comprendre que les gens vivent des moments difficiles.
«Ce qu’on apprend de plus, à travailler ici, c’est un profond respect pour la vie, dit-il. On sait ce qu’elle vaut et on l’apprécie davantage. Et de prendre le temps de parler peut faire toute la différence.»
Devenir fossoyeur
Tout a commencé en 1977, alors que Michel Caron s’est fait proposer un emploi dans le cimetière. À l’époque, il comptait y rester un mois, tout au plus, puisqu’il venait d’être accepté dans un programme de marketing à l’université.
«Je ne connaissais rien, j’ai tout appris sur le terrain, partage-t-il. Ma seule expérience pertinente était la conduite de tracteurs de ferme, à l’âge de 12 ans.»
Avec beaucoup à faire et laissé à lui-même, le jeune homme de 23 ans a commencé à sonder les terrains à l’aide d’outils spécialisés pour identifier l’emplacement des corps. Chose qui n’avait pas été faite de 1902 à 1970, et à laquelle M. Caron s’est investi corps et âme.
«Ça a été le travail d’une vie, révèle-t-il. Avec l’aide des familles, tout est noté, à présent.»
Quelques mois suivant son embauche, l’acquisition de machineries avait aussi permis d’accroître l’efficacité du travail d’excavation qui, autrefois, était fait à la main.
Aujourd’hui semi-retraité, le vétéran est présent trois jours par semaine au cimetière en compagnie de son collègue Mario Piché, qui assure la relève depuis les trois dernières années.
«En tant que fossoyeur, il faut avoir un bon physique, puisqu’il y a beaucoup de travail à la main, ajoute M. Piché. Mais je pense que le respect est la plus grande affaire qu’il faut avoir ici. Michel, c’est le confident du cimetière, et il en connaît toute l’histoire.»
Fantômes
En cette période d’Halloween, certains laissent croire qu’il est possible de voir des formes translucides flotter au-dessus des tombes du cimetière. Ce phénomène souvent associé aux fantômes, est en fait occasionné par le dégagement de gaz.
Les émanations de méthane qui s’échappent des corps traversent la terre et remontent à la surface. Avec la différence de température entre le sol, plus chaud, et l’air, plus froid, des brumes sont créées, semblables à de petites aurores boréales en pleine nuit.
«C’est physique, précise Michel Caron. Quand les gens disent qu’ils ont vu des fantômes, ils n’ont en fait vu que des gaz. Mais, c’est correct. Ça permet d’entretenir ces petits mythes.»
Cimetière de Lachine
Depuis ses débuts, en 1902, plus de 23 300 corps ont été inhumés au cimetière catholique de Lachine. Lors de son inauguration officielle en 1906, celui-ci s’est développé à partir du nord, près de la grande croix, puis jusqu’au sud.
Le garage actuel, où est entreposée la terre, était une grange, aux années 1960. À cette époque, des chevaux servaient à transporter les corps. Quant à eux, les fossoyeurs étaient logés dans la maison du cimetière et s’occupaient des démarches administratives.