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La folle aux chats

Foulard lumière

Floconades et loup marin! Quelle féerie, dehors. J’ai d’ailleurs eu le bonheur d’embrasser ma première chute de la saison. J’aurais aimé que vous y soyez. Une chute parfaite. Impeccable, presque chorégraphiée. De chandelle à pancake en une demi-seconde. Une chute nette, précise et sans disgrâce. SCANDINAVE. Il me fallait la décrire quelque part, ce petit morceau de paradis appartenant désormais aux annales de personne pantoute. Il est de ces moments qu’on aimerait filmer. Pour la postérité. Pour se les remémorer au coin du feu, les recroquer dans la plus vive hilarité empreinte de nostalgie.

J’aurais aussi aimé filmer, quelques secondes auraient d’ailleurs suffi, le mépris que j’ai lu dans les yeux d’un certain préposé au service à la clientèle. Un homme bien mis, cours classique, élégance distinguée de l’aftershave subtil, mais affûté. Un préposé qui, après avoir répondu à la dame juste devant moi, semblait visiblement irrité par leur échange. Par l’absolue disgrâce de leur interaction. Et donc, croyant que j’avais épousé chacune de leurs paroles (j’écoutais «Music to my Eyes» sur Repeat, pauvre vous), il m’accueillit en me spécifiant, complice comme pas un, qu’il venait de traiter avec «une autre crazy cat lady», clin d’œil amusé et fête foraine aux commissures.

Par où commencer. Alors. Parce qu’une dame excentrique ne rame pas dans le même sens que votre après-rasage, c’est indubitablement une folle, une coucou, une femme au grain, une triste sinistrée qui, bien évidemment, n’aura pas trouvé mari puisque complètement barge. Ou devenue barge puisque sans cavalier. Ah! Mais bien sûr. Comme disait Simone, on ne naît pas folle aux chats. On le devient. Je me souviens l’avoir lu sur un tote bag! Donc cette dame excentrique au sac à main ostentatoirement célibataire a SANS L’OMBRE D’UN DOUTE vécu le péril du rejet. Le péril de ne pas avoir été choisie par un fier marin et de devoir affronter la vie sans la fougue, la protection et le statut d’un monsieur. La pauvre. C’est à se demander comment elle réussit à débarrer ses portes de char sans tirer des fusées de détresse comme un milliardaire texan. CIEL. Imaginez si la folle aux chats conduit. 

Et cette dame abandonnée par tout potentiel de bonheur insufflé par un bon parti n’a eu d’autre choix que de sombrer dans une dense folie, se garnissant la pantry d’un assortiment de chats hirsutes qu’elle lance sur autrui au gré de ses humeurs.

C’est fascinant, tout de même, que l’homme n’ait pas cet équivalent. Le vieux garçon.

C’est fascinant, tout de même, que l’homme n’ait pas cet équivalent. Le vieux garçon. 

On l’imagine en chemisier avec gilet de laine, chevelure peignée sur le côté et joue bien rose, à manger sa petite portion de macaroni dans son appartement bien rangé. Jamais je n’ai eu vent d’un «fou aux gnous». D’un fou aux figurines de Dolph Longren. Ou d’un fou hoarder de Michelinas et de O’Keefe tablette. C’est juste un vieux garçon. Un homme qui, par choix, vit seul. En fait, la seule calvaire de fois où on se permet d’emprunter le terme fou pour un homme, c’est pour éviter de parler de massacre. De féminicide et de misogynie. 

Hier, j’ai fait une chute scandinave. Elle était formidable.

La bise.

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