L’Ordre des chimistes du Québec (OCQ) amorce une enquête sur la production de gels hydroalcooliques qui ne seraient pas conformes aux normes. Ces gels sont utilisés abondamment dans plusieurs bureaux, commerces et autres lieux publics depuis l’apparition du nouveau coronavirus. Des problèmes ont mené au déclenchement cette enquête, a expliqué l’Ordre dans un communiqué.
Faire un gel désinfectant n’est pas comme faire un gâteau, rappelle son président, Michel Alsayegh.
Il semble que l’offre de l’Ordre faite au début de la pandémie d’aider et de soutenir les entreprises souhaitant se reconvertir dans la production de tels gels ne semble pas avoir été entendue puisque quelques mois plus tard, on déclenche une enquête sur ces produits.
«Effectivement, des dangers il peut y en avoir, que ce soit dans le transport, l’entreposage ou la manutention», indique M. Alsayegh, en entrevue à Métro. Il ne faudrait pas oublier les risques liés au fait de mélanger des produits ensemble non plus, ajoute-t-il.
En induisant un faux sentiment de sécurité chez les utilisateurs, certains produits non conformes peuvent accroître les risques de contamination. Par exemple, un gel qui désinfecte mal parce qu’il ne contient pas assez d’alcool poserait un risque pour la population.
En plus, les gels constitués d’alcools à moins de 60% assèchent les mains plus qu’autre chose, indique le chimiste.
Alcool à 90%
Le principal ingrédient qui tuera le virus est l’alcool dont la concentration doit être d’au moins 60%. Le risque est que certains se procurent de l’alcool à la SAQ et procèdent à des mélanges maison, dans le fond de leur garage. «Des cas de ce genre nous ont été rapportés, confirme M. Alsayegh, préoccupé par ces cow-boys davantage intéressés par le profit que par le désir d’aider leur communauté. Or, cet alcool, à 40%, n’est pas assez fort pour des gels. Et dans les cas où l’alcool serait assez fort, un garage n’a pas de ventilation adéquate pour procéder à des mélanges de ce genre.»
Un désinfectant trop irritant car contenant trop d’alcool entraînerait des irritations chez les personnes et poserait ultimement des risques, car les gens aux mains vraiment irritées pourraient cesser d’utiliser de tels gels.
Mais, rappelle le président, les gels restent la solution de dépannage, le mieux étant de «se laver les mains avec de l’eau tiède et du savon pendant au moins 20 secondes. Et c’est la moins dispendieuse de toutes.»
N’importe qui peut aller chez chez Jean Coutu et se procurer les produits nécessaires pour faire un gel hydroalcoolique, indique M. Alsayegh.
«Produire un produit que vous jugez bon pour un usage particulier n’est en rien un gage de référence. Ce n’est pas utiliser la chimie de manière adéquate» – Michel Alsayegh, président de l’Ordre des chimistes, rappelant que les bonnes pratiques de laboratoire doivent être supervisées ou encadrées par un chimiste membre de l’Ordre.
«Imaginez les risques liés à la présence d’un baril d’alcool à 90% dans votre garage!» illustre Michel Alsayegh, rappelant une explosion qui a récemment eu lieu à Trois-Rivières, où le contact de l’eau a eu l’effet d’une bombe. Littéralement dans ce malheureux incident mettant en cause 15 contenants d’hydrosulfite de sodium, qui se seraient enflammés.
Enquête sur trois fronts
L’Ordre lance un appel au grand public, à l’industrie chimique et aux professionnels de la santé pour obtenir toutes informations pertinentes relatives à la production, au transport, à l’entreposage, à la vente ou à l’utilisation inadéquats de gels hydroalcooliques. L’organisme n’est pas inquiet d’un éventuel climat malsain de dénonciation qui pourrait s’installer à la suite de son appel au public.
L’organisation enquêtera sur les organisations ou les personnes faisant l’objet d’allégations particulières. Celles-ci pourraient même être poursuivies par la suite, indique l’Ordre, qui invite les personnes désirant transmettre de manière anonyme des informations à le faire par courriel, à formation@ocq.qc.ca.
Finalement, en février 2021, l’Ordre déposera un rapport qui présentera ses recommandations relativement à l’encadrement de la production des gels hydroalcooliques.
Est-ce que les lois sont adéquates pour soutenir le travail des chimistes ? «C’est le bobo. On nous entend seulement quand il arrive des catastrophes, comme lors de cette explosion à Trois-Rivières», déplore le président de l’Ordre, qui aimerait que les lois donnent plus de pouvoir à ses membres.
À la réponse «Est-ce que vous utilisez personnellement des gels?», celui-ci avoue avoir «une petite bouteille dans son auto» mais qu’il préfère se laver les mains et évite de se toucher le visage, particulièrement le nez et les yeux pour mieux se protéger.