Avec l’arrivée d’Elon Musk à la tête de Twitter, le réseau social pourrait-il se voir remplacé par son compétiteur Mastodon? Il s’agit là d’une question qui se posait bien avant que le milliardaire achète la plateforme, affirme le professeur au département des communications de l’Université de Montréal (UDEM), Stéphane Couture.
Il y a plusieurs vagues de désertion vers Mastodon, recense-t-il. Un million d’abonnés avaient quitté Twitter depuis l’achat de la plateforme par Elon Musk, en date du 4 novembre. Mais «dès 2017, on trouve des nouvelles à ce sujet», rapporte l’étudiante à la maitrise en communications de l’UDEM, Chanel Robin.
Ironiquement, Mastodon twittait, le 29 octobre, avoir récolté 70 000 nouveaux abonnés en une seule journée. Cette fois-ci sera-t-elle la bonne? Est-ce que Mastodon accueillera suffisamment d’abonnés pour devenir un réel compétiteur de la plateforme du directeur général de Tesla?
La complexité de Mastodon peut potentiellement être décourageante pour le commun des mortels, considère Mme Robin. Car «d’abord, c’est un logiciel, ce n’est pas une plateforme. Il y a plusieurs plateformes qui ne s’appellent pas Mastodon qui utilise le logiciel Mastodon», explique-t-elle.
Pour l’instant, Mastodon, qui est libre de droits, a principalement été réutilisé par des médias de droite comme Truth Social, la plateforme de Donal Trump, et GAB «qui est un logiciel d’extrême droite», continue l’auxiliaire de recherche, accompagnée de son professeur.
La décentralisation du logiciel agit comme double tranchant. L’inscription s’en voit complexifiée, mais le côté plus «éthique» de la chose, doublé aux récentes frasques d’Elun Musk sur Twitter continue de le faire gagner en popularité.
Lundi, Jonathan Durand Folco, professeur adjoint à l’Université Saint-Paul, doctorant en philosophie et «citoyen engagé et intéressé par les enjeux du numérique» encourageait les 2589 abonnés à sa page Facebook à le rejoindre sur Mastodon, pour le côté éthique du logiciel.
Comme c’est un réseau social décentralisé, les données des utilisateurs ne sont pas logées dans des serveurs qui appartiennent à des corporations privées, mais plutôt à des organismes à but non lucratif, des organisations citoyennes ou des individus
Jonathan Durand Folco, professeur adjoint à l’université Saint-Paul et doctorant en philosophie.
Chanel Robin abonde en ce sens: «le lien de confiance [envers le serveur qui loge nos données], au lieu d’être aveugle, va être informé», dit-elle, puisque l’usager du réseau social sélectionnera lui-même un serveur – ou «instance» – à son inscription. Il pourra ensuite changer de serveur à sa guise.
«Il n’y a personne qui fait de l’argent avec [Mastodon], affirme Chanel Robin. Les gens qui y font des instances sont vraiment des gens qui ont à cœur les logiciels libres. C’est anti-corporation, anti-Facebook, anti-google».
Selon M. Durand Folco, une fois qu’on passe à travers l’inscription, «l’interface et l’utilisation sont relativement faciles à comprendre» et les fonctionnalités sont très similaires à celles de Twitter.
Le professeur de l’École des médias de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Jean-Hugues Roy, avait essayé Mastodon en 2017. «C’était lent et il n’y avait pas grand-chose. Aujourd’hui? C’est toujours lent et il n’y a pas grand-chose», témoigne-t-il.
Mastodon ne fonctionne pas sur «des gros data center comme Google», explique Chanel Robin, puisque les données sont logées chez des particuliers.
C’est pas juste un remplacement de Twitter, Mastodon ça a une histoire et un but. Il faut que les utilisateurs s’y intéressent aussi.
Chanel Robin, auxiliaire à la recherche et étudiante à la maitrise en science des communication à l’UdeM.
Jean-Hugues Roy, lui, craint que l’engouement pour Mastodon ne soit que passager, qu’il «s’estompera quand Musk cessera de faire des essais et erreurs lamentables avec Twitter.»
La thèse du professeur Couture, c’est que le logiciel «va se transformer puis que quelque chose de basé sur Mastodon va émerger. […] On pourrait imaginer qu’il y ait une infrastructure plus conséquente avec un modèle d’affaires un peu différent que ce qu’on connait qui va naitre de tout ça».
M. Durand Folco, M. Couture et Mme Robin s’entendent: pour devenir plus populaire, la plateforme devra s’adapter et devenir plus facile à comprendre pour les masses.