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James K. Galbraith: des idées pour combattre les inégalités

Le pays le plus inspirant dans la lutte aux inégalités sociales est le Brésil, selon l’influent économiste américain James K. Galbraith. Ce dernier sera à Montréal vendredi pour donner une conférence dans le cadre de la clôture du Rendez-vous national sur les inégalités sociales organisé par l’Institut du Nouveau Monde. Entrevue avec un francophile inspiré et inspirant.

Quelle sera la teneur de votre message à Montréal?
À l’aide d’une base de données établie depuis 20 ans, j’étudie de façon assez approfondie l’évolution des inégalités dans le monde entier. C’est un sujet un peu ésotérique pour certains, mais que je crois important d’étudier, car les économistes ont encore tendance à croire que les inégalités sociales sont des questions d’ordre microéconomique et qu’elles sont liées a la question de l’offre et de la demande. Une façon de se déresponsabiliser quoi! Nous, on constate plutôt que ce n’est pas le cas et que les inégalités sont plutôt le résultat de choix macroéconomiques. Des options telles que le choix des régimes financiers, la question de la dette, les cours de l’énergie, le va-et-vient entre la prospérité et la dépression influent sur les revenus nationaux, mais aussi sur le degré d’inégalité dans les pays.

Comment expliquer que le mouvement «Occupy» n’ait rien changé?
J’ai admiré les militants du mouvement, un de mes enfants y participait à New York, mais le mouvement est resté trop petit. Surtout, il n’y a pas eu de lien entre le mouvement de la rue et le système politique. Aucun politicien ne s’est mis en tête ce mouvement, contrairement au mouvement opposé à la guerre au Viêtnam à la fin des années 1960. Il y avait à l’époque des gens dans la rue, mais aussi des militants parmi les politiciens au Sénat, au Congrès et même parmi les conseillers du président.

Quel pays a le modèle économique le plus inspirant, selon vous?
Je n’ai pas étudié profondément tous les pays du monde, mais depuis 20 ans le pays qui a fait le plus de progrès sur le plan social et pour la réduction de la pauvreté, c’est le Brésil. On assiste là-bas à une construction progressive d’institutions stables sans ce «stop-and-go» qui est très nuisible. Que ce soit en matière de santé, d’enseignement, de logement, il y a des progrès mesurables qui donnent l’impression que ça va durer. En Amérique du Sud, on peut aussi souligner les accomplissements de l’Équateur un pays assez pauvre, ainsi que de l’Argentine, malgré la situation instable. C’est définitivement la région la plus intéressante. Elle contraste avec l’Europe, où les institutions n’ont pas été suffisamment aménagées pour permettre l’intégration continentale. On y trouve aussi là-bas trop d’attitudes et d’idées économiques réactionnaires dans la classe politique. C’est un grand gâchis.

Avez-vous changé votre vision de l’économie durant votre carrière?
Oui je crois, surtout récemment. Au début j’étais très keynésien, dans le sens où je croyais à la possibilité du plein emploi et à l’atteinte rapide de taux de croissance élevés. J’ai perdu cette croyance et je suis devenu beaucoup plus institutionnaliste. J’ai aussi abandonné l’idée que des solutions économiques générales peuvent s’appliquer comme des recettes à tous les pays.

Les macroéconomistes tels que vous sont-ils forcément de bons gestionnaires quand il s’agit par exemple de gérer le budget familial?
(Rires) Je n’en sais rien. Personnellement, je ne me risque pas comme conseiller financier envers quiconque! Car sur le plan personnel je suis allergique au risque, mon argent reste à la banque. Ceci dit, je n’ai pas à chercher les gains faciles ou à prendre de risques, car je suis dans une situation confortable.

La décroissance est-elle une solution à envisager dans les pays occidentaux pour que la planète puisse répondre à la hausse de la consommation des pays émergents?
Difficile à dire. Mais ce qui est certain, c’est qu’il va falloir s’habituer à des taux de croissance qui seront moins élevés qu’auparavant. C’est ce que j’explique dans mon livre The End of Normal qui va sortir en version française sous le titre La Grande crise. Ça tient à quatre raisons: le coût des ressources qui augmente, l’instabilité mondiale à long terme, le fait que les nouvelles technologies sont en train de supprimer beaucoup d’emplois sans que suffisamment de nouveaux apparaissent et enfin le fait que le système financier n’a pas été réparé.

Après votre père dont les théories sont encore enseignées dans les cours d’économie, puis vous, la lignée des économistes va-t-elle se poursuivre chez les Galbraith?
J’ai déjà trois enfants qui ont choisi leur voie: un cuisinier, une linguiste, une musicienne. La quatrième étudie encore, mais si je devais faire des pronostics, je dirais que les chances qu’elle devienne économiste sont nulles!

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