Hier soir, j’empotais de la sauce à spaghetti après un délicieux repas et ça m’a rappelé cette histoire.
Il y a quelques années, j’étais avec quelques amis, dont un couple composé d’un Québécois et d’un Italien, ce dernier visitant le pays de son chum pour la première fois. Nous marchions dans les sentiers du parc Forillon, ce qui est une bonne façon de convaincre n’importe qui que le wow existe ici comme ailleurs. Marchant sur ce chemin de fine garnotte qui donnait accès à une vue sur la baie de Gaspé et sur l’immensité du golfe du Saint-Laurent, j’ai posé une question dont je ne suis pas particulièrement fier. J’ai demandé – un peu à la manière d’un plouc sans sophistiquance – comment les Italiens appellent cette délicieuse sauce tomatée que l’on fait ici avec de la viande hachée, des oignons et des ingrédients-mystères-que-je-ne-te-révélérais-pas-même-si-tu-me-waterboardais.
À ce sujet, je ne veux pas me vanter (un mensonge éhonté), mais disons que ma sauce à spaghatte casse toutte. Oui-oui, peut-être que la tienne est bonne aussi… à sa manière; mais crois-moi, elle ne joue juste pas dans la même ligue que la mienne. C’est comme ça, c’est un fait. Comme la gravité. Ou la bêtise. Ou la gravité de la bêtise. Pour te donner une idée, ma grand-mère est passée de vie à trépas juste après avoir goûté à ma sauce en disant : «Mon travail sur cette terre est terminé. Argl…» C’est te dire.
L’ami québécois traduit pour son chum en italien. Pour te donner un peu de background sur les personnages, disons que l’Italien était plus du style Umberto Eco (en genre un milliard de fois plus cute) et beaucoup moins du style Silvio Berlusconi : c’était un jeune homme érudit, plein de culture, versé dans le design et l’architecture. C’est donc avec une grimace de semi-dégoût qu’on m’apprit que ce type de sauce pour pâtes est appelée «ragù», qu’il y en a plusieurs variétés selon les régions, qu’elle ne fait PAS partie de la grande cuisine italienne et qu’elle est souvent vendue le midi sur les chantiers de construction. J’ai alors songé pour la première fois de ma vie que je serais peut-être à ma place sur un chantier de construction. Puis, j’ai pensé à ça et je me suis souvenu que, dans ma vie, j’ai eu la chance d’aller dans de très grands restaurants à Paris, New York, Londres, Madrid, Saint-Eustache, etc. J’ai apprécié des mets fins, des grands crus et des constructions culinaires complexes. Mais j’ai beau chercher parmi ces expériences de haute voltige, il n’y a pas grand-chose qui accote une assiette de spaghatte avec un grand verre de lait.
Bref, je suppose que tout est question de perspective.
(Bonus : hier soir, je suis allé dans mon jardin couper du basilic avec des ciseaux. Plus tard dans la soirée, je me suis taillé la moustache avec les mêmes ciseaux. Ai-je besoin de te dire que j’ai tout de suite été submergé d’effluves délicieusement méditerranéens? Je te le recommande vigoureusement.)