Essayiste et militante féministe, Aurélie Lanctôt a participé à la tournée Faut qu’on se parle, en compagnie notamment de Gabriel Nadeau-Dubois, leader de cette initiative débutée durant l’automne dernier. Alors que ce mouvement citoyen publie mercredi un livre-bilan, l’étudiante en droit espère que les idées développées inspireront partis et personnalités politiques.
Café à la main et sourire aux lèvres, Aurélie Lanctôt se montre passionnée. Durant plus d’une heure, elle développe et détaille les rencontres «marquantes» aux quatre coins du Québec. «Des critiques disaient qu’on ne voyait que des gens comme nous. Mais lorsque j’étais au milieu d’une gang de gens de la construction, ce n’était pas vraiment mon milieu», rigole cette diplômée en communication, qui se dit «profondément changée» par cette aventure.
Comment avez-vous vécu cette tournée?
C’était vraiment intense, ça a dépassé toutes nos attentes! On a parcouru plus de 10 000km et les deux tiers des demandes venaient de l’extérieur de Montréal. C’était notre objectif. On voulait que tous les Québécois se sentent conviés et interpellés. Le contraire aurait été plate.
Ils avaient surtout le sentiment de ne pas être écoutés. Ils pensent avoir de moins en moins d’emprise sur la vie politique, un sentiment partagé par l’ensemble des démocraties occidentales. On a été les spectateurs privilégiés entre les préoccupations et ce que l’on voit réellement sur la scène médiatique. C’est pour ça qu’on devait organiser ces discussions à bâtons rompus qui pouvaient durer plus de deux heures et rassembler les idées reçues dans ce livre.
De quels sujets souhaitaient-ils parler?
Ils avaient simplement envie de discuter de l’avenir du Québec. Les grands partis politiques et les débats partisans n’ont pas l’adhésion de tout le monde. Tous avaient beaucoup de préoccupations, notamment au niveau de l’éducation, un sujet quasi-unanime. Beaucoup croient en l’école publique, mais sont sincèrement inquiets de l’avenir de leurs enfants, s’interrogent sur le désinvestissement massif dans ce domaine. J’ai vu des gens très en colère, mais d’un côté, c’est encourageant. Il y a une prise de conscience.
Vous y attendiez-vous ?
Je ne pensais pas qu’ils seraient si enthousiastes. Cette popularité de notre mouvement m’a surprise et rassurée. Les gens veulent vraiment faire partager leurs idées. C’était un baume sur le cynisme général. La tâche sera grande, mais voir des gens venant de régions et d’origines différentes qui ont envie de mettre la main à la pâte, qui rejettent les propositions moribondes qu’on leur propose actuellement, c’est rassurant.
Cette tournée a été réalisée avant l’attentat de Québec du 29 janvier. Aviez-vous déjà ressenti ces craintes et préoccupations formulées depuis par de nombreuses communautés?
Cet attentat témoigne de la fracture sociale entre la majorité et certaines minorités. Cette marginalité sociale et économique, vécue notamment par la communauté musulmane, on la ressentait. Le Québec s’est diversifié, pourtant, il y a un manque de diversité dans les institutions, le cinéma, le théâtre, les médias. Certains m’ont dit que depuis quelques années, ils sentaient un climat social vraiment toxique. D’après eux, ce n’était pas le cas avant. Ce climat a été alimenté par des hommes politiques dans un but électoral. Peut-on arrêter de jouer sur ce nerf, de casser du sucre sur le dos des immigrants et prendre enfin au sérieux le désarroi des gens?
Vous avez formulé dans ce livre-bilan huit priorités qui ressemblent fortement à des propositions politiques…
Faut qu’on se parle n’a pas vocation à devenir un parti politique mais, c’est vrai, ces propositions ont une essence politique. Ce sont des tendances exprimées par les gens et si elles peuvent inspirer certaines propositions électorales, tant mieux. Mais ce ne sera pas directement FQSP qui le fera.
Gabriel Nadeau-Dubois, pressenti pour se présenter comme député de Gouin sous les couleurs de Québec Solidaire après la démission de Françoise David, pourrait-il incarner ces idées?
Je n’ai aucun doute, il ferait un très bon leader politique. J’aurais une très grande confiance en lui pour le voir mener à bien ces idées. Si quelqu’un devait le faire et s’il en a envie, c’est la bonne personne.
Et en a-t-il envie?
(Elle sourit) C’est à lui de préciser ses ambitions… Il l’a dit, sa priorité est de bien clore ce chapitre. J’espère qu’il y aura ensuite un héritage. On nous a demandé à quoi servait FQSP. L’important, c’était déjà de créer une mouvance, allumer une mobilisation. Pour certaines personnes qu’on a rencontrées, c’était un premier pas, une première implication. On a ressenti un besoin. Et si ça donne envie à toutes ces personnes de s’impliquer davantage dans la vie politique, même si ce n’est qu’assister à un conseil municipal, c’est déjà ça.
Les huit priorités de FQSP
- Nos écoles d’abord
- Une politique industrielle écologique
- Démocratiser la démocratie
- Un nouveau modèle culturel et médiatique
- Assumer notre diversité
- Réaliser la réconciliation avec les Premières nations
- Améliorer la couverture publique et l’accès aux soins de santé
- Faciliter la vie des familles
Ne renonçons à rien
Éditions Lux
En librairie mercredi