«C’est avec ce bicycle que ma passion a commencé, raconte Patrick Girouard en montrant du doigt un vieux vélo vintage trois roues avec panier à l’arrière. J’étais dans ce panier, j’avais à peine huit ans. J’indiquais à mon grand-père les canettes à ramasser au dépotoir municipal. C’est là que j’ai compris que les déchets avaient de la valeur.»
Des runs (la tournée des poubelles) qu’il a faites avec son grand-père, et son père par la suite, M. Girouard n’en a pas gardé que de bons souvenirs, mais il a tenu à rendre cette activité lucrative en fondant son entreprise De tout pour tout.
«C’est rendu in de trouver un item récupéré», affirme l’entrepreneur de Terrebonne, en montrant le vaste inventaire d’objets détournés des dépotoirs ou des centres de recyclage qui se trouvent sur les murs de son entrepôt de Terrebonne.
M. Girouard explique que la perception des ferrailleurs et autres récupérateurs, considérés auparavant comme des ramasseux de poubelles», change. Son entreprise en est la preuve. Il croit d’ailleurs que la récupération de déchets pourrait lui rapporter un jour des millions de dollars. Il n’hésite pas à critiquer l’actuel système de collecte des déchets.
«Surconsommation, crédit pour consommer, obsolescence programmée, tout est fait pour que nous jetions.» – Caroline Paradis, employée de l’entreprise De tout pour tout
«Avant, chaque ville avait son dépotoir, se souvient-il. C’est ainsi que j’ai vu mes premiers déchets, réalisé mes premières trouvailles.» Cette situation a changé. Les sites d’enfouissement ont été privatisés et confiés aux gros joueurs que sont les BFI, RCI et autres compagnies qui sillonnent nos rues.
«[Comme elles contrôlent la collecte et possèdent les sites d’enfouissement], il revient peu cher pour elles de jeter, au lieu de trier, déplore Patrick Girard. Les entreprises ne se donnent pas la peine de récupérer.»
La compagnie de M. Girouard tente d’intervenir avant le départ des déchets pour le dépotoir et leur condamnation à l’enfouissement. «Ça va du particulier qui nous appelle pour qu’on aille chercher des objets qu’il a mis au chemin à la Société de transport de Montréal (STM), qui veut qu’on démantibule un de ses wagons de métro. Pour cette dernière, par exemple, nous avons payé pour pouvoir prendre leurs rebuts, précise-t-il. En appel d’offres!»
Le but est de revaloriser les déchets et de ne rien jeter. Car, en plus d’être entrepreneur, M. Girouard est artisan. Pour lui, «tout se transforme en idées», mentionne-t-il. C’est l’objectif des employés de l’entreprise : trouver du potentiel dans tout déchet.
L’entreprise de Patrick Girouard a par exemple repris un lot de 200 tables de piscine offerte par Club Piscine pour cause de pièces manquantes. Les employés ont enlevé la vitre, pris du bois de grange d’un autre contrat et installé des pattes artisanales. Des tables dignes du site Pinterest, se félicite l’entrepreneur.
Grâce à sa créativité l’entreprise a mis sur pied sa marque, Evolo. Avec ses créations, toutes faites de matériaux récupérés, M. Girouard veut montrer que chacun peut se servir des rebuts pour faire des merveilles.
De nombreux clients, habituels et occasionnels se présentent aussi dans l’entrepôt à la recherche «d’un trésor pour pas cher», rapporte le propriétaire. Parmi eux, des recherchistes du milieu du cinéma, des artistes et des gens avec une conscience écologique.
Cette conscience, c’est non seulement ce qui se retrouve d’emblée chez les employés de De tout pour tout, mais c’est même une exigence. Caroline Paradis, employée et bras droit de M. Girouard, reconnaît avoir à cœur l’environnement.
«En travaillant pour De tout pour tout, j’ai l’impression d’aider ma planète, confie-t-elle. J’ai changé la conception que j’avais de nos déchets. Je veux maintenant partager cette découverte.»