Même s’ils remportent un succès d’estime, les toits verts sont loin de se multiplier à Montréal, pourtant le royaume des toits plats. Décryptage.
Réchauffement climatique aidant, les toits verts obtiennent une certaine visibilité médiatique depuis quelques années. Grâce à leur capacité à réduire la facture de climatisation des appartements, à éviter les îlots de chaleur urbains et à retenir l’eau de pluie pour limiter les débordements d’égouts, ils ont plutôt bonne réputation.
Pourtant, mis à part quelques projets sur des bâtiments municipaux, des universités ou sur une partie du Palais des congrès, les toits verts sont loin de se multiplier. On n’en compterait qu’une douzaine au centre-ville et dans le Vieux-Montréal, d’après l’évaluation d’Owen Rose, architecte chez atelier Tautem, qui compte six toits verts à son actif.
«Mon rêve, ce serait d’atterrir en voyant un gigantesque champ de fraises et de découvrir qu’en dessous, il y a la ville de Montréal», lance l’architecte, qui aimerait que la ville s’inspire de Stuttgart. Dans cette ville allemande, les toits verts se sont généralisés grâce à une réglementation qui pousse à utiliser cette technologie au cours de la construction de nouveaux bâtiments ou de la réfection des toits.
Mais Montréal n’en est pas là. La principale raison est structurelle. Le poids de la terre pourrait mettre à mal certaines structures. «À Montréal, la majorité des résidences individuelles sont en bois et ne sont pas toujours capables de supporter la neige, alors un toit vert…» explique Emmanuel Cosgrove, directeur d’Écohabitation, un organisme de promotion de l’habitation écologique.
Ceux qui possèdent une maison ayant une structure en béton où en métal peuvent éventuellement y songer. «Mais il faut alors faire appel à un ingénieur en structures, ce qui vient gonfler une facture déjà salée», ajoute M. Cosgrove. Le coût d’un toit vert est estimé entre 8 $ et 15 $ par pied carré, selon qu’on opte pour un toit vert intensif ou un toit vert extensif (voir encadré). Pour un triplex ayant une surface de 1 000 pi2 au sol, la facture monte en moyenne à 12 000 $.
Et plus question, depuis 2007, de bénéficier d’une subvention de Gaz Métro, qui permettait de payer jusqu’au tiers de la facture. L’entreprise s’est rendu compte que, compte tenu de la neige, les toits verts montréalais étaient surtout efficaces l’été pour réduire la facture de climatisation. Or, la climatisation fait appel à l’électricité, pas au gaz, d’où le désengagement de l’entreprise. Hydro-Québec a repris le flambeau, mais en fait peu la promotion.
Pour toutes ces raisons, les toits verts ont surtout fleuri sur des bâtiments institutionnels ou municipaux. Mais la Ville pourrait modifier son règlement sur la construction. M. Rose espère que ce nouveau code forcera les promoteurs à construire des édifices capables d’accueillir des toits verts. «Si ce n’est pas fait dès la construction, les propriétaires auraient la possibilité de verdir leur toit par la suite, sans devoir renforcer la structure du bâtiment», indique M. Rose.
Mais impossible d’en savoir plus sur les orientations de l’administration Tremblay. «Nous sommes à élaborer le volet développement durable du règlement sur la construction. Les toits verts sont l’un des éléments qui sont en cours d’analyse», affirme la Ville.
Denis Clermont, architecte chez Labonté Marcil croit de son côté que l’image des toits verts n’est pas si bonne. Il souligne notamment que les toits verts extensifs meurent rapidement. De plus, l’installation d’un système d’arrosage, quand cela est nécessaire, est une opération coûteuse et qui peut s’avérer problématique pour le toit en cas de défectuosité.
Il ajoute enfin que d’après lui le réel coût d’un toit vert se situe plutôt autour de 25$ par pi2 et que les toits verts pourraient être un facteur de propagation des incendies si un feu de broussailles prenait naissance sur un toit vert mal irrigué.
D’autres idées porteuses
Si installer un toit vert est hors de votre portée, il y a d’autres options :
- Installer un toit blanc ou gris qui réfléchit bien la chaleur.
- Installer des bacs jardinables comme ceux d’Alternatives.
- Retirer l’asphalte de sa cour. Les eaux de pluie engorgeront alors le sol, plutôt que les égouts.
Toits verts 101
Il y a, en gros, deux types de toits verts. Le toit vert extensif utilise peu de terre. Il est donc moins pesant pour le toit et nécessite moins d’irrigation. Le toit vert intensif, lui, nécessite plus de terre. Le choix de plantes est plus grand, mais le poids et l’entretien aussi.
Pour y voir plus clair parmi les fournisseurs, le Centre d’écologie urbaine de Montréal teste depuis 15 mois sur le Palais des congrès 5 types de produits. On trouve aussi trois technologies de jardinage en bac et un exemple de plante grimpante.
Juste à côté, Environnement Canada a installé une petite station météo pour mesurer l’effet des toits verts sur les îlots de chaleur urbains. Selon certaines études, si de 4 % à 6 % de la surface du centre-ville était végétalisée, la température baisserait de 1 oC à 2 oC.
À lire :
Le Centre d’écologie urbaine de Montréal propose sur son site internet une foule de documents intéressants sur la performance des toits verts : http://www.ecologieurbaine.net/toits-verts
Le Centre d’écologie urbaine de Montréal offre aussi sur son site internet plusieurs documents de référence:
Résumé du mémoire présenté par Sébastien Jacquet à l’École de technologie supérieure
Toitures végétales : implantation de toits verts en milieu institutionnel – Étude de cas : UQAM