Érosion, agrile du frêne, plantes envahissantes ou menacées, feux de camp… Les enjeux de conservation sont nombreux sur le mont Royal. Et si la nature prend bien soin d’elle-même, un achalandage de cinq millions de visiteurs par année met beaucoup de pression sur la faune et la flore. Le temps d’une patrouille, Métro a accompagné les services de conservation des Amis de la montagne, qui encouragent les usagers à adopter des comportements durables.
À notre arrivée, l’équipe s’affaire à installer son kiosque d’information près de la Maison Smith. Quelques minutes plus tard, des marcheurs s’approchent déjà, attirés par l’affiche indiquant que la cueillette est interdite sur le mont Royal.
En effet, une quinzaine de plantes vulnérables, comme le trille blanc, qui peut mettre 10 ans à produire une première fleur, et la sanguinaire du Canada, poussent dans le parc.
Les patrouilleurs se séparent ensuite la tâche. Jérôme Bernier-Brillon continue de discuter avec les passants, alors qu’Antonin St-Jean et Ariane Bernier partent avec Métro sillonner les sentiers.
Nous arrivons rapidement dans une clairière où plusieurs végétaux indigènes ont été plantés l’an dernier pour compenser la perte d’arbres matures.
«Il y a eu un feu, avertit Antonin. C’est terrible, ils ont fait un feu au pied d’un chêne d’environ 200 ans.»
Au pied de l’immense arbre, près duquel la corde fermant l’accès au sentier a été coupée, une dizaine de pierres ont été disposées en cercle. L’écorce du chêne est calcinée jusqu’à presque 2m de haut.
Pour décourager d’autres visiteurs qui auraient l’idée de faire un feu au même endroit, les patrouilleurs dispersent les roches, les morceaux de bois brûlé et les cendres, puis tentent de cacher l’endroit avec des feuilles ou des branches.
«Ce qui est dangereux et ce que les gens oublient, ce sont les feux de racines», remarque Ariane, qui en est à son troisième été avec les Amis de la montagne. Elle raconte que les braises et le sol sont parfois encore chauds à l’arrivée de la patrouille, souvent le lendemain.
«Une fois, on est arrivés alors qu’un feu de 6 pi de haut brûlait, et il n’y avait personne. Ça brûlait tout seul en plein milieu du bois», se souvient Antonin, qui travaille pour les Amis depuis huit ans.
«Il suffit d’un coup de vent, d’un tison qui tombe et on se retrouve avec un feu dans l’escarpement. C’est extrêmement compliqué pour les pompiers d’intervenir là.» – Antonin St-Jean, patrouilleur pour les services de conservation des Amis de la montagne
Il s’inquiète à l’idée qu’un brasier puisse se déclencher dans le parc du Mont-Royal. «Il y a plein de feuilles mortes par terre, illustre-t-il. On a 1 km2 de boisé; si on en perd le quart à cause d’un feu, c’est énorme.»
Antonin et Ariane ne transportent pas d’outils pendant leur patrouille. S’ils aperçoivent un feu de camp qui requiert plus de travail, un campement ou encore des déchets biomédicaux (seringues, condoms, etc.), ils le notent sur leur rapport de patrouille et repasseront plus tard avec l’équipement nécessaire.
Plus loin sur notre parcours, nous croisons un groupe de jeunes qui semblent jouer à la cachette dans le boisé près du lac aux Castors. Ariane se dirige alors vers eux pour les informer qu’ils pourraient piétiner des plantes à statut précaire ou des arbres récemment plantés. Son intervention dure à peine deux minutes.
«On doit souvent adapter notre discours aux champs d’intérêts de la personne à qui on parle. On veut que les gens ressortent d’ici avec une expérience positive, en comprenant pourquoi quelque chose est interdit.»
Ainsi, la patrouille prend le temps d’expliquer les raisons à l’origine d’un règlement plutôt que de simplement dicter aux gens quoi faire.
L’an dernier, la patrouille de conservation est intervenue directement auprès de plus de 2 000 personnes et a effectué plus de 1 300 actions sur le terrain (défaire un feu, ramasser des déchets, etc.).
L’appui du SPVM
Les Amis de la montagne travaillent en étroite collaboration avec la cavalerie du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) et, plus particulièrement, le poste de quartier 20, qui couvre l’ouest du centre-ville et le parc du Mont-Royal.
Chaque poste a un module d’action par projet, une équipe qui travaille sur des problèmes ciblés dans son quartier. L’été, le mont Royal est une priorité pour le module du PDQ20, a expliqué à Métro la commandante Marie-Claude Dandenault.
«[Les Amis] nous ont montré les points de chute de vélos de montagne, décrit la sergente Marie-Claude Langlais, les points névralgiques où ce serait préférable qu’on soit.»
«On la connaît, la montagne, mais on ne la connaît pas comme eux la connaisse», ajoute Mme Dandenault.
En plus des feux de camp et des gens qui font du vélo de montagne alors que le règlement du parc l’interdit, Mme Langlais et son équipe sont mobilisées pour des campements, souvent occupés par des personnes en situation d’itinérance.
Encore la semaine dernière, l’équipe a dû intervenir dans le boisé près de l’ancien bâtiment de l’Hôpital Royal Victoria. Après des plaintes de citoyens et un appel au 911, le PDQ20 a «mobilisé tous les partenaires», notamment l’Équipe mobile de référence et d’intervention en itinérance du SPVM, qui a dirigé la personne vers des ressources et a assuré le suivi.
«On peut comprendre les personnes dans le besoin, assure la commandante Dandenault, mais on ne peut pas commencer à accepter les campements» et risquer que le parc se transforme en terrain de camping.
L’été dernier, en concertation avec le Bureau du Mont-Royal de la Ville de Montréal, l’équipe de la sergente Langlais a décidé de bloquer l’accès au belvédère Camillien-Houde la nuit, car il y avait des rassemblements de gangs et «beaucoup d’incivilité». «On met une chaîne à l’entrée à partir de 23h, et ç’a réglé le problème à 90%», rapporte la policière.
«Donner le bon exemple»
En plus de collaborer avec le SPVM et le Service de sécurité incendie de Montréal (SIM), les Amis de la montagne compte beaucoup sur les bénévoles. Des équipes les aident notamment à contrôler les espèces exotiques envahissantes, comme le nerprun cathartique, et à planter quelque 2000 arbres et arbustes chaque année.
Le parc du Mont-Royal n’a pas de statut de conservation proprement dit. La Ville a seulement identifié le sommet et les flancs de la montagne comme un écoterritoire, soit «un espace naturel dont la protection est jugée prioritaire».
Le rôle de la patrouille des Amis de la montagne est d’aller à la rencontre des gens «pour les encourager à adopter un comportement durable», explique Victoria Desmarais, responsable des services de conservation.
«Ce n’est pas un chien sans laisse, une marche hors-sentier, un vélo hors-sentier qui fait la différence. C’est l’effet cumulatif qui a un impact. On veut que tout le monde puissent donner le bon exemple. C’est ce qu’on essaie de faire comprendre aux gens.»
Les ratons laveurs trop bien nourris
Un tel apport de nourriture peut créer un débalancement de population et avoir un effet sur d’autres espèces, car les ratons laveurs sont «omnivores, généralistes et opportunistes» et se nourrissent de salamandres et d’œufs d’oiseaux, entre autres.
«C’est des gros risques de santé publique», ajoute le patrouilleur. Bien que les ratons laveurs du mont Royal soient vaccinés contre la rage, une personne qui se fait mordre par un de ceux-ci devra être traitée de manière préventive. Aussi, les ratons laveurs peuvent être porteurs de parasites et de vers.
De plus, une forte densité augmente le risque de propagation de maladie chez les ratons laveurs. L’an dernier, une épidémie de maladie de Carré a décimé une bonne partie de la population du petit mammifère, qui avait atteint des sommets dans le parc du Mont-Royal en 2016.