Montréal

Des repentis de l’extrême droite s’engagent contre la haine

Leur parcours les a menés à porter les couleurs de groupes néonazis ou nationalistes. Après un séjour en prison ou une prise de conscience, ils ont changé de vie pour combattre, cette fois, les idées auxquelles ils croyaient. Ce sont les repentis de l’extrémisme et ils sont aujourd’hui au cœur de nombreuses campagnes de prévention de la radicalisation.

Pierre, un homme de 53 ans ayant le crâne couvert de tatouages, est sorti de prison au mois de mai. Dans les années 1990, il passait son temps à tabasser des Noirs et des homosexuels dans les rues de Montréal, avec ses amis néonazis, une croix gammée tatouée sur le corps. Pierre s’est déradicalisé en prison, où il a rencontré des personnes de toutes origines. Il s’est rendu compte que la haine de l’autre n’avait plus de sens alors que le vivre-ensemble s’imposait de lui-même dans son milieu carcéral.

«Les circonstances ont fait que j’ai fréquenté du monde multiethnique, de diverses religions. Je me suis rendu compte que c’était des gens comme moi. C’est la prison qui m’a aidé à me déradicaliser», a-t-il témoigné.

S’il s’engage aujourd’hui avec le Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence (CPRMV), c’est pour témoigner, pour prévenir ceux qui voudraient emprunter la voie de la violence et de la haine, mais c’est aussi pour lui, pour se racheter des actes qu’il a commis dans le passé.

Pour la psychologue et chercheuse Ghayda Hassan, spécialisée dans la radicalisation, le parcours de Pierre est étonnant, puisque habituellement, la prison peut être un facteur de radicalisation plus que de déradicalisation. Pour elle, la recherche du pardon est courante chez les ex-radicalisés qui s’engagent à combattre ce à quoi ils croyaient.

«Son cas est très intéressant. Il pourrait justement témoigner pour dire comment la prison l’a aidé à reconsidérer son engagement. Ça peut être un facteur très intéressant», a-t-elle soulevée.

Elle insiste cependant sur la grande vulnérabilité de ces personnes désengagées et sur le danger que peut représenter la médiatisation. «Parfois, ça peut servir les mêmes buts et répondre aux mêmes besoins psychosociaux pour lesquels la personne à joint un groupe radical, [soit] le besoin d »être reconnu, d’être un leader», a analysé la psychologue.

«Il faut toujours savoir pourquoi on le fait, pour quelle fin, quel est l’objectif et ce qu’on veut tirer de ça», a-t-elle ajouté. Pour elle, ces personnes doivent être bien accompagnées et elle ne devraient surtout pas être utilisées pour servir des intérêts autres que la prévention à la radicalisation.

«C’est vraiment une série d’évènements qui vont permettre de déclencher un désengagement, un changement de trajectoire. Ça varie beaucoup d’une personne à une autre. Ça peut être une rencontre, des relations amoureuses, un accès à l’emploi» – Ghayda Hassan.

Maxime Fiset, une figure de la lutte contre la radicalisation vers l’extrême droite, est lui-même le fondateur de la Fédération des Québécois de souche, un mouvement nationaliste d’extrême droite. Sa connaissance des mouvements extrémistes de droite et de la psychologie de leurs militants sert désormais à mieux cerner le discours de ces groupes et leurs réelles intentions.

«Les groupes d’extrême droite sont des menteurs professionnels. Ils vont toujours chercher à masquer leur idéologie. On a des individus qui agissent comme des agents de radicalisation, qui utilisent leur leadership, leur charisme, comme je l’ai fait à une époque, pour attirer des gens a l’intérieur d’un mouvement qui a des ramifications  idéologiques beaucoup plus profondes que la simple défense de la langue française ou la protection des frontières», a-t-il détaillé.

Pour lui, il faut absolument se méfier de la banalisation de ce type de discours, qui cherche par tous les moyens à se dissocier de l’extrême droite. «C’est pour ça qu’il est très important d’être capable de le qualifier pour ce qu’il est», a-t-il ajouté.

Maxime Fiset, Bard Galloway et Elisa Hategan, d’anciens membres de groupes néonazis aujourd’hui repentis, ont inspiré le bédéiste El Diablo pour une bande dessinée qui se veut un outil de prévention de la radicalisation. Le CPRMV a aussi produit un court métrage racontant la radicalisation de Pierre.

Pour Ghayda Hassan, ces repentis permettent d’apporter un éclairage sur le parcours personnel des personnes radicalisées.

«Ce sont des personnes qui peuvent nous apprendre beaucoup sur la dynamique et le fonctionnement de certains groupes extrêmes», a-t-elle avancé. Elle a cependant insisté sur fait que leurs témoignages ne doivent pas être généralisés à toutes les personnes déradicalisées.

«Si on dit des généralités sur le processus de désengagement, ça va marcher avec quelques personnes qui ont le même parcours, mais pas avec tout le monde», a-t-elle averti.

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