Après plus de deux ans de conflit, les lock-outés du Journal de Montréal retourneront au travail. Au total, 62 employés retrouveront un emploi, dont un certain nombre à temps partiel. Ils étaient 253 à l’origine. La situation est loin d’être idéale pour ces travailleurs de l’information.
Certains pourraient bien poursuivre l’aventure Rue Frontenac, qui a souvent été présentée comme la bouée de sauvetage du groupe. La question qui tue : sans le soutien financier du monde syndical, comment s’en sortira maintenant Rue Frontenac?
Pour la diversité des voix, il est à espérer que Rue Frontenac pourra conserver la sienne. Mais dans un monde ultracompétitif, le site web/hebdomadaire papier arrivera-t-il à tirer son épingle du jeu?
C’est que sur le web, les seuls revenus publicitaires peuvent difficilement suffire pour maintenir à flot une équipe complète de journalistes d’expérience et pour leur donner le temps nécessaire à la rédaction d’un contenu original et de qualité. Et on ne parle même pas ici d’offrir des conditions aussi intéressantes que celles qui étaient offertes à l’époque au Journal de Montréal.
Chez Rue Frontenac, plusieurs dizaines de journalistes ont Å“uvré au cours des deux dernières années à la réalisation d’un site de qualité, auquel fut éventuellement greffée une publication hebdomadaire. C’était en grande partie avec l’appui des syndicats. La présidente de la CSN, Claudette Carbonneau, a indiqué que sa centrale syndicale avait contribué à la hauteur de 7 M$ pour le soutien des lock-outés.
Quand on fait le calcul, il est difficile de croire qu’une si grande équipe pourrait poursuivre son travail dans des conditions «normales». Au cours des dernières semaines, on pouvait compter sur les doigts d’une seule main les publicités provenant de l’extérieur du monde syndical dans la version imprimée de l’hebdo des lock-outés. Et on n’avait pas nécessairement besoin de tous nos doigts… Elles occupaient un espace très réduit. Sans compter qu’il devient de plus en plus coûteux de produire un journal papier.
Le conflit terminé, et maintenant que la situation pourra se stabiliser à moyen terme, les annonceurs seront-ils davantage tentés? Peut-être. L’hebdo pourra-t-il augmenter son tirage pour se faire plus intéressant? C’est possible. Les abonnements proposés pourront-ils faire la différence? Ça reste à voir. Il obtiendra à tout le moins un petit coup de pouce de Pierre Karl Péladeau.
Ce sera donc tout un défi pour l’équipe qui s’attaquera à développer un nouveau modèle de média qu’on voudra à la fois pertinent et rentable. Un problème auquel tous les médias font face, d’ailleurs. En attendant, du point de vue du lecteur, on ne peut que souhaiter la poursuite d’un projet qui contribue à varier les discours dans un monde où la concentration des médias est un enjeu toujours plus important.
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À noter: Il n’est jamais évident de parler d’un média concurrent sans avoir l’air de patauger en plein conflit d’intérêt. Mais vous aurez compris que le billet ci-dessus s’interroge sur les structures et sur la viabilité d’un site d’information indépendant dans un contexte de crise des médias. Pas question ici de remettre en question le travail des collègues journalistes qui ont travaillé dur depuis deux ans pour créer un nouveau site d’actualités, et ce, dans un contexte des plus difficiles!
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À ne pas manquer: la caricature de Marc Beaudet mettant en vedette Claudette Carbonneau…
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Aussi à lire chez Rue Frontenac:
Crée Claudette, va! par Yves Chartrand
Notre vote, sa pataugeoire par Martin Leclerc
Capacité à travailler sous pression, prise 2 par Pascale Lévesque
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Où étiez-vous, camarade Carbonneau?
La CSN, Claudette Carbonneau et le Journal de Montréal