Les trois principaux corps de police de la région métropolitaine ont lancé mardi le projet RADAR. Son objectif est de «prévenir et de détecter» l’exploitation sexuelle dans les milieux hôteliers et les services de transport privés comme le taxi, le phénomène faisant l’objet de plus en plus de plaintes et de dénonciations à l’interne.
«Notre expérience, dans les dernières années, montre que plus les gens sont outillés, plus il y a de dénonciations», explique à Métro le commandant du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) à la section Exploitation Sexuelle, Michel Bourque.
Le nombre d’enquêtes en exploitation sexuelle augmente effectivement de manière importante dans la métropole depuis quelques années. En 2015, quelque 80 enquêtes sur le sujet étaient en cours. Deux ans plus tard, il y en avait 319. Idem pour le nombre d’arrestations, qui a bondi de 25 à 65 sur la même période. La tendance serait encore une fois à la hausse depuis l’an dernier.
«Ça augmente parce que les gens savent davantage comment aborder les victimes potentielles dans leurs interventions en face-à-face. La formation nous permet d’instaurer un climat où les gens sont à l’aise de dénoncer, où ils se sentent soutenus. Tout ça mène vers des arrestations des personnes impliquées dans ce trafic humain-là.» -Michel Bourque, commandant au SPVM
Le programme RADAR – dont l’acronyme signifie repérer, agir, dénoncer, aider et rétablir – est inspiré d’un autre projet américain qui cible les gens et les corps de métier selon les types de fonctions à l’intérieur d’une même industrie. Un projet-pilote avait eu lieu l’an dernier dans plusieurs hôtels montréalais. «Que vous soyez réceptionniste dans un hôtel ou chauffeur de taxi, vous pouvez être témoins d’incidents. C’est pour ça qu’on sensibilise tout le personnel. Avec l’aide d’anciennes victimes qui témoignent de leur expérience, on va donner des critères d’observation très précis aux employés», ajoute le commandant.
Sur la rive-nord, le Service de police de Laval (SPL) abonde dans le même sens.
«On doit mettre en garde les hôtels et les services de transport, leur mentionner quels sont les signes à première vue du proxénétisme. Ils doivent être capables de nous les signaler quand ils en sont conscients.» -Stéphanie Beshara, agente aux affaires publiques du SPL
D’après elle, le service de police lavallois travaille depuis «déjà trois ans» sur le cas de proxénètes, de plus en plus nombreux à utiliser les hôtels pour faire travailler leurs victimes ou les services de transport pour les déplacer. «Ça fait partie de nos priorités. RADAR vient s’ajouter à ce qu’on fait déjà: on a encadré les salons de massage, on a un comité régional, on a fait un projet défensif, bref on est proactifs», illustre-t-elle.
En collaboration avec la Ville de Laval, le SPL en est selon Mme Beshara «à mettre en place des stratégies concrètes», dont un groupe de travail consacré, «pour lancer le programme».
Au sud, le Service de police de l’agglomération de Longueuil (SPAL) serait aussi très impliqué, l’un de ses agents ayant notamment donné une formation à plusieurs patrouilleurs sur l’exploitation sexuelle vendredi dernier, en présence d’une survivante.
Le porte-parole du SPAL, Justin Vallières, estime que si les policiers peuvent comprendre ce que les victimes vivent et leur démontrer un soutien clair et empathique, les statistiques redescendront à la baisse. «Juste de dire qu’on est là, qu’on ne juge personne, ça peut sauver des vies», analyse-t-il.
«Quand on va dans les hôtels, les gens nous rapportent toujours des situations. Je n’ai jamais vu un établissement où rien n’était arrivé.» -Justin Vallières, porte-parole du SPAL
Plusieurs autres organismes, dont l’Association des hôtels du Grand Montréal, le Bureau du taxi de Montréal, Info-Crime Montréal, les Centres d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC) et Jeunesse au Soleil collaborent également à l’initiative.