Une Montréalaise qui a eu une envie pressante n’en revient pas qu’une commerçante lui ait chargé 3$ pour utiliser les toilettes de son magasin.
«[J’étais] sous le choc de payer», affirme Agathe Melançon, qui habite Saint-Henri.
Le 5 novembre, Mme Melançon attendait quelqu’un dans les environs de la station de métro Villa-Maria. Alors qu’elle se trouvait dans «ce coin perdu et inaccessible», Mme Melançon a eu une «petite urgence». Elle s’est donc présentée dans un salon de coiffure à proximité. En entrant dans le commerce, elle a aperçu une pancarte qui expliquait que l’utilisation de la salle de bain coûtait 3$.
«Je suis contente d’avoir pu aller à la toilette pour me soulager la vessie d’un côté, mais l’argent aurait pu être investi autrement», souligne-t-elle.
Mme Melançon, qui écrit de la poésie, veut «dénoncer» cette pratique qui exclut des gens qui n’ont pas d’argent.
Discrimination contre les itinérants
Nadia Lemieux, organisatrice communautaire au Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM), estime qu’il s’agit d’une façon de garder à l’écart les personnes itinérantes.
«Il y a des commerçants qui pensent que ça peut affecter négativement l’apparence et la réputation de leur commerce d’avoir des personnes qui sont en situation d’itinérance ou de marginalité», souligne-t-elle.
Mme Lemieux aimerait que le projet de toilettes autonettoyantes mis sur pied par la Ville soit davantage développé. Mais la mesure est coûteuse.
Même son de cloche du côté de Michel Parazelli, professeur à l’École de travail social de l’UQAM. Celui-ci estime que les commerces qui utilisent une clé pratiquent souvent une discrimination semblable.
«Le dispositif le plus utilisé pour discriminer les personnes indésirables, c’est la clé. Les toilettes sont sous verrou et [le préposé] fait un tri. Ça se voit surtout au centre-ville», explique-t-il.
Une question de sécurité
La propriétaire du commerce réplique qu’il s’agit d’une question de sécurité.
«C’est pour notre sécurité et pour empêcher qu’on se fasse agresser. On ne va pas faire rentrer n’importe qui!», dit-elle en entrevue.
«Si vous voulez, je vais les envoyer chez vous, monsieur!» a-t-elle ajouté.
Elle affirme ne pas être la seule commerçante qui a recours à une telle pratique.
«Le restaurant chinois à côté, il charge 5$. Je suis allée au Mexique, ils chargeaient. Je suis allée en France, ils chargeaient. Quand j’étais jeune, ça coûtait 10 cennes aller aux toilettes à Ville Lasalle. Ce n’est rien de nouveau. On les laisse utiliser notre toilette et ils chialent qu’il manque de savon et qu’il n’y a plus de papier brun. Je dois la laver après chaque personne, sinon nos clients se plaignent», laisse tomber la commerçante.
Elle assure ne pas demander d’argent «si c’est demandé poliment».
La propriétaire a noté que toutes les personnes qui demandent d’utiliser sa salle de bain sont des clients de la Société de transport de Montréal «qui attendent l’autobus» et parfois même «des chauffeurs de la STM».
Elle dit avoir contacté la STM pour demander pourquoi ils n’installaient pas de toilettes. «Je me suis fait répondre: ”Madame, si on en installe, les gens vont se droguer à l’intérieur”.»
La conseillère corporative en affaires publiques de la STM, Amélie Régis, explique dans un courriel que «des toilettes sont accessibles au public à la station Snowdon, en guise de projet pilote. L’idée est éventuellement d’en installer dans les stations de correspondance, mais pas à la grandeur du réseau».