L’administration municipale veut faire pression sur les propriétaires de logements en rendant publiques des données en matière d’insalubrité. Une initiative qui ne fait pas l’unanimité.
«Nous devons continuer de serrer la vis aux propriétaires qui ne respectent pas leurs obligations ou les droits de leurs locataires», a déclaré jeudi en conférence de presse le responsable de l’habitation à la Ville, Robert Beaudry.
Au cours des dernières années, la Ville a notamment rendu publiques des données sur les rapports concernant les déclarations d’exterminations de punaises de lits ainsi que les logements ayant fait l’objet d’avis de détérioration en raison de leur piètre état.
Jeudi, la Ville a annoncé avoir également mis en ligne les données sur les inspections en salubrité réalisées par le Service de l’habitation depuis 2007. Celles-ci ne comprennent qu’un tiers des inspections en la matière dans la métropole, puisqu’elles excluent celles réalisées par les inspecteurs des arrondissements.
«Nous souhaitons être en mesure de consolider les inspections des arrondissements et de les offrir en données ouvertes d’ici 2021», a précisé M. Beaudry. Les Montréalais auront alors accès à un bilan plus représentatif de la situation, estime-t-il.
Plus d’inspections
Le nombre d’inspections de logements en matière de salubrité a bondi à Montréal depuis que l’administration Plante a augmenté le nombre d’inspecteurs en 2018. Ainsi, ce nombre d’inspections est passé de 408 à 1897 entre 2016 et 2019.
Pendant ce temps, cependant, le nombre d’amendes émises demeure faible. Il a même diminué au cours des deux dernières années, passant de 43 en 2018 à 32 en 2019. Le montant de ces amendes peut atteindre plusieurs milliers de dollars pour une personne physique et jusqu’à 20 000$ pour une personne morale en cas de récidive.
«Les amendes sont fortes […]. Ce qu’il faut maintenant, c’est d’en donner davantage et d’en donner systématiquement», a affirmé le porte-parole du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec, Maxime Roy-Allard.
Dans son Plan 2018-2021 pour des conditions de logement décentes, l’administration Plante a pris l’engagement de réaliser l’inspection de 31 200 logements d’ici la fin de son premier mandat, en 2021. Depuis, plus de 15 000 logements ont fait l’objet d’une inspection, selon M. Beaudry.
«Nous sommes confiants que nous allons atteindre nos objectifs», a indiqué le conseiller associé à l’habitation, Craig Sauvé.
«Il y a le tiers des locataires montréalais qui vivent dans des logements insalubres, donc il faut en faire plus.» -Maxime Roy-Allard, porte-parole du RCLALQ
Liste des contrevenants
La Ville a par ailleurs mis en ligne une liste des propriétaires de logements qui ont été condamnés en 2018-19 après avoir fait l’objet d’inspections. Chacun d’entre eux a reçu des amendes de plusieurs milliers de dollars. L’un de ces propriétaires, une compagnie à numéro basée à Laval, a reçu sept infractions totalisant près de 16 000$.
«Les propriétaires doivent respecter les règles, sinon, ils vont se retrouver sur cette liste», a mentionné Craig Sauvé.
M. Roy-Allard doute toutefois que cette liste aura un réel effet dissuasif.
«Est-ce que les compagnies à numéro vont avoir peur de ça? J’en doute», a-t-il avoué.
La Corporation des propriétaires immobiliers du Québec déplore, de son côté, que cette initiative de la Ville «vise seulement les propriétaires».
«Il y a des locataires qui saccagent des logements et la Ville ne mettrait jamais en ligne leurs noms», a laissé tomber son directeur des affaires publiques, Hans Brouillette.
Ce dernier reconnaît que certains propriétaires «se foutent des locataires». Il estime cependant que l’administration municipale devrait miser sur des changements réglementaires, notamment pour faciliter les rénovations, au lieu d’y aller avec une approche «coercitive».