Montréal

Lutte contre le VIH: Plante «n’agit pas», déplorent les organismes

De gauche à droite : Sandra Wesley, ex-coprésidente de Montréal sans sida; Mylène Drouin, directrice régionale de la santé publique, et Valérie Plante, mairesse de Montréal.

«Le dossier du VIH est vu comme un dossier facile par les politiciens; ils prennent des photos avec des hommes gais mais ils oublient que, au-sein de cette communauté, certains sont plus marginalisés face au Sida», dénonce Sandra Wesley, de la Table des organismes communautaires montréalais de lutte contre le VIH/Sida (TOMS), qui a claqué la porte de la concertation municipale Montréal sans sida.

Mme Wesley déplore une mairesse qui n’est pas présente, ne signe pas les nouvelles déclarations et favorise ses actions politiques au détriment des populations itinérantes, consommatrices de drogues et vivant du travail du sexe, particulièrement touchées par cette autre pandémie.

En octobre, Sandra Wesley fustigeait déjà l’inaction de la Ville. En à peine quatre mois, la situation s’est détériorée, soutient-elle. Montréal a signé en 2017 la déclaration de Paris pour faire partie des villes sans sida d’ici 2030. Alors que ce réseau a posé des gestes et a signé les actualisations de ladite déclaration, de même que la nouvelle déclaration de Séville en 2022, l’administration Plante n’en a pas fait de même.

«On est une ville avec un réseau dynamique de chercheurs et d’organismes communautaires dans le domaine, comment peut-on avoir un tel désengagement politique?», s’interroge Sandra Wesley.

Sollicitée à ce sujet, l’administration municipale a refusé les demandes d’entrevues de Métro et s’est contenté de l’envoi d’un communiqué. L’opposition municipale n’a pas non plus souhaité commenter le dossier.

Des politiques contradictoires

L’ancienne co-présidente pour le volet communautaire de Montréal sans sida raconte que malgré des promesses passées, la Ville aurait finalement informé le communautaire en janvier qu’elle n’avait pas de plan pour signer les nouvelles déclarations. Une annonce qui a provoqué le départ de la TOMS.

Le cabinet de la mairesse affirme de son côté que la Ville est prête a signé la déclaration amendée et avait rencontré la TOMS et la santé publique à ce sujet à la fin janvier.

Pour Mme Wesley, Valérie Plante fait preuve de timidité avec cet engagement car il irait contre son action politique. Elle avance que ses déclarations clament le besoin de décriminalisation des communautés marginalisées comme les personnes itinérantes, les consommateurs de drogues et les travailleurs du sexe. Pourtant, «les politiques municipales sont de démanteler les camps, de cibler les communautés noires et d’augmenter le financement du Service de police», martèle la représentante du communautaire.

Elle rappelle que des études ont montré que la criminalisation des communautés marginalisées nuit à la lutte contre l’épidémie. À l’opposé de Montréal, Vancouver a demandé à sa police de ne pas criminaliser le travail du sexe et est en pourparlers avec Ottawa pour obtenir une dérogation à la pénalisation de la possession simple de drogues. Montréal refuse de son côté de demander une telle exemption.

Sandra Wesley croit que le dossier du VIH est un dossier qui sert de manière flagrante le paraitre des politiciens et que ceux-ci prennent quelques photos avec des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) séropositifs sans être prêts à mettre en place les «changements profonds de société» nécessaires dans ce dossier.

Elle précise que les HSH sont bien les plus touchés par le VIH mais que les HSH vivant d’autres problématiques – travail du sexe, consommation de drogue, racisme – sont encore plus marginalisés et que les politiciens font preuve de moins d’enthousiasme quand il s’agit de s’occuper de ces communautés.

En partant, on ne laisse pas la possibilité à Valérie Plante de prendre ses belles photos.

Sandra Wesley, de la TOMS

Une administration aux abonnés absents

La santé publique, qui est le troisième volet de la gestion tripartite de Montréal sans sida, constate aussi que la concertation était à bout de souffle.

«Depuis un certain temps, Montréal sans sida essaie de se relancer», constate Mylène Drouin, directrice régionale de la santé publique (DRSP), qui juge qu’elle n’est pas la meilleure personne pour s’exprimer sur les tensions entre la Ville et le communautaire.

Pour le communautaire, Montréal a tout simplement été absente. «La Ville n’agit pas», s’indigne Sandra Wesley, qui rappelle que les politiques pour un Montréal sans sida «doivent venir du bureau de la mairesse» car «ce projet est censé venir des maires».

De nombreuses villes, voulant devenir sans sida, ont pris part au réseau Fast-Track Cities, se ralliant à l’initiative d’Anne Hidalgo, la mairesse de Paris.

Lors des conférences de Fast-Track Cities, les délégations des villes venaient avec leurs maires et nous, on était un peu honteux d’arriver la-bas sans que Valérie Plante ne soit présente.

Sandra Wesley, de la TOMS

Sandra Wesley évoque que parmi ce réseau, il y a des villes avec des maires qui ont pris des positions fortes, à l’image de Vancouver – qui n’en fait pourtant pas partie – et ont eu du succès.

Et pour la suite?

«La lutte au VIH va, pour l’instant, se poursuivre via un autre véhicule», pense la Dre Drouin. Elle analyse que dans un contexte post-pandémique, Montréal sans sida n’était probablement pas le meilleur véhicule dans ce dossier.

Des priorités ont tout de même été identifiées avec la Ville et le communautaire, détaille Mylène Drouin. La santé publique compte bien continuer à combattre cette épidémie, car la métropole continue à faire face à de nouveaux cas. «On doit rehausser l’offre en prévention et en dépistage», avance-t-elle.

En plus de ces mesures, Montréal fait face au défi d’augmenter l’utilisation de la PrEP (Prophylaxie préexposition), des pilules qui permettent de ne pas contracter le VIH en cas d’exposition, un traitement qui n’est pas gratuit au Québec.

La santé publique régionale assure de sa volonté de continuer ses actions prioritaires dans la lutte au VIH et de continuer à travailler avec le milieu communautaire, à travers des comités.

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