La Ville de Montréal n’est pas en mesure de démontrer que les centaines de millions octroyés chaque année en subvention aux organismes à but non lucratif (OBNL) sont accordés de façon impartiale et que la totalité des sommes distribuées sont utilisées aux fins prévues.
C’est le constat accablant que fait la vérificatrice générale de la Ville, Michèle Galipeau, dans son rapport annuel déposé lundi au conseil municipal.
Nos travaux ont mis en lumière des lacunes à chacune des étapes du cycle de vie de l’octroi et de la gestion des contributions aux OBNL par les services centraux.
Michèle Galipeau, vérificatrice générale de la Ville de Montréal
Aucun des 47 dossiers de contributions financières étudiés par le Bureau de la vérificatrice générale ne comportait la documentation requise pour confirmer l’admissibilité de l’organisme bénéficiaire en fonction des critères d’admissibilité prévus par la Ville. Ces critères prévoient notamment d’avoir une mission reconnue, d’être en bonne santé financière, de n’avoir aucune dette envers la Ville de Montréal, et qu’aucun employé de la Ville ne siège au conseil d’administration.
De plus, 25 subventions ont été octroyées sans que des critères définis et documentés appuient l’évaluation de la demande, constate la vérificatrice générale. «Les montants octroyés lorsqu’il s’agit de projets sans critères d’admissibilité sont en moyenne significativement supérieurs aux montants octroyés lorsqu’il y a des critères balisant l’admissibilité de la demande», poursuit-elle.
À deux occasions, des subventions initiales ont été versées avant la signature d’une entente entre l’OBNL et la Ville, dont une contribution de 800 000 $.
En ce qui concerne le suivi de l’utilisation des sommes octroyées, les contrats de 53% des subventions n’incluent pas de balises de reddition de comptes, indique-t-on dans le rapport. Seulement 12% des dossiers avaient une preuve documentée de l’utilisation des sommes.
Total des subventions octroyées en 2021: 109,6 M$
Total des subventions octroyées en 2022: 127,5 M$
Source: Rapport annuel 2022 de la vérificatrice générale de la Ville de Montréal
La Ville défend son processus d’attribution
«Nous prenons acte des constats du rapport d’audit, a déclaré la présidente du comité exécutif de la Ville de Montréal, Dominique Ollivier, mardi en conférence de presse. «On va s’assurer de mettre en place les mesures nécessaires.»
Le processus d’octroi de subvention de la Ville est impartial et basé sur des critères bien définis malgré la documentation manquante, a-t-elle assuré.
La période auditée coïncide avec la pandémie, et «des mesures d’exception» pourraient expliquer que les dossiers ont été documentés de façon moins exhaustive, a défendu l’élu. Les programmes se voulaient «plus agiles», afin de distribuer plus rapidement les contributions financières, selon ses dires. «On a fait ce qui était notre devoir.»
Les états financiers pour 2022 non disponibles
Au moment de produire son rapport annuel, la vérificatrice générale n’avait pas accès aux états financiers consolidés de la Ville pour l’année 2022, lesquels n’ont pas encore été adoptés par le conseil municipal.
«Nous sommes toujours préoccupés par la perte d’expertise au Service des finances rattachée aux départs passés et à venir de différentes personnes clés pour la préparation des états financiers, déclare Michèle Galipeau dans son rapport. La pénurie de personnel d’expérience dans d’autres services de la Ville impliqués dans ce processus est également inquiétante.»
Malgré les constats alarmants de la vérificatrice générale, la Ville prend la question de la relève «très au sérieux», assure Dominique Ollivier. « J’ai confiance dans le sang neuf qu’on a amené.»
La Ville a remplacé promptement son trésorier, fait des embauches à l’externe et des promotions à l’interne pour assurer une continuité, a poursuivi le directeur général de la Ville de Montréal, Serge Lamontagne. «On joue sur les deux fronts», a-t-il résumé.