LETTRE OUVERTE – L’Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel accueille plus ou moins 300 patients aux prises avec des problèmes de santé mentale avec des agirs violents importants. La majorité de la clientèle admise à Pinel l’est à la suite d’une ordonnance des tribunaux après avoir commis un crime ou délit. En 2021-2022, 77 % de la clientèle provenait d’un centre de détention provincial ou fédéral, 8 % d’un centre hospitalier, 6 % des ressources d’hébergement, 2 % des centres jeunesse et 1 % du domicile. En résumé, c’est la clientèle ayant un niveau de dangerosité et d’imprévisibilité le plus élevé qui se retrouve entre nos murs.
Notre mission vise principalement :
- l’évaluation, la garde et le traitement des accusés reconnus non criminellement responsables (dont ceux déclarés à haut risque ). Au Canada, il y a 10 individus avec ce statut dont 6 se retrouvent à Pinel;
- l’évaluation, la garde et le traitement des accusés déclarés inaptes à subir leur procès ou non criminellement responsables et soumis à une décision de détention stricte en raison du risque très élevé qu’ils représentent pour la sécurité publique;
- l’évaluation, la garde et le traitement des accusés adultes ou adolescents soumis à une ordonnance d’évaluation ou de traitement de leur état mental et qui présentent un risque très élevé pour la sécurité publique ou un tableau clinique très complexe (comorbidité, itinérance, délinquance sexuelle, etc.)
Depuis plusieurs mois, voire des années, nous revendiquons auprès de l’employeur des mesures de sécurité renforcées devant l’augmentation fulgurante des plaintes et réclamations à la CNESST (plus de 800 % d’augmentation dans la dernière année). Ces revendications restent lettre morte de la part de la direction générale et des autres directions de l’Institut. On gère Pinel comme si c’était un hôpital général ou encore pire un gros CHSLD.
Plusieurs travailleuses et travailleurs quittent le milieu faute de considérations et de conditions de travail qui respectent leur santé et leur sécurité. Entre 2019 et 2023, c’est plus de 50 % de la main-d’œuvre qui a dû être renouvelée suite à ces départs massifs. Par exemple, 55 infirmières sur 83, 30 infirmières cliniciennes sur 67, 84 intervenants spécialisés en pacification et sécurité (anciennement agents d’intervention et gardes) sur 161, 81 sociothérapeutes (éducateurs) sur 199 et 71 commis surveillants d’unité sur 86 ont quitté le milieu depuis 2019.
On peine à garder notre expertise, ce qui affecte grandement le transfert des connaissances et des pratiques de travail sécuritaires que l’Institut a mises en place depuis son ouverture à la fin des années 60, et qui a fait sa renommée à travers les années. À l’époque, prendre soin de la clientèle devait se faire dans un environnement sécuritaire et contrôlé où chaque membre de l’équipe connaissait le rôle qu’il devait jouer pour assurer sa propre sécurité, celle de ses collègues et de la clientèle. On ne peut malheureusement plus compter là-dessus. Il y a un manque important de formation, d’expertise et d’encadrement de la nouvelle main-d’œuvre.
Nous remarquons dans les dernières semaines une recrudescence des agirs violents chez notre clientèle. Nous décrions le manque de ressources, mais encore plus le manque de support de l’organisation. Nous craignons pour la sécurité de la clientèle, de leurs familles, de la population et de celle des employés.
Juste dans la dernière semaine, pas moins de 5 agressions physiques envers des membres du personnel ont eu lieu, blessant ainsi 4 personnes salariées sérieusement, dont 2 qui ont dû être transportées par ambulance vers l’urgence. Sans compter la découverte d’un complot d’évasion de 2 adolescents où les jeunes avaient planifié de tuer toutes personnes qui se mettraient en travers de leur chemin, en plus d’une agression physique d’un patient envers un autre sur les terrains extérieurs de l’Institut alors qu’aucun membre du personnel ne les surveillait.
L’employeur minimise chacune de ces situations en mentionnant que ce sont des « cas isolés »… Combien d’autres de ces cas ça va prendre pour qu’on s’en occupe sérieusement? Imaginez l’effet que ces situations et la réponse de l’employeur peuvent avoir sur un groupe de 840 travailleuses et travailleurs syndiqués dont 126 en arrêt de travail. Incertitudes, craintes et assurément la peur d’être le prochain sur la liste.
Ne soyons pas prophètes de malheur, mais n’attendons pas qu’un décès d’une travailleuse ou d’un travailleur survienne pour agir. Le ministre de la Santé, Christian Dubé, en a le pouvoir, donc nous lui demandons d’intervenir.
L’exécutif syndical du SCFP 2960